Marxiste, Eric J. Hobsbawm n'en est pas moins toujours l'une des figures de proue de l'histoire contemporaine. Pas banal à un moment où la pensée de Karl Marx est encore largement suspecte. La raison en est sans doute que les travaux de E.J. Hobsbawm, sur l'ensemble des aspects de l'histoire européenne et mondiale depuis la fin du XVIIIe siècle, ont fini par rejoindre les interrogations d'un public de plus en plus large. En atteste le succès de L'Age des extrêmes, l'ouvrage qu'il consacre à l'histoire du XXe siècle.
Depuis près de quarante ans, ses recherches s'inscrivent dans une triple perspective : une réflexion historique sur le capitalisme, une interrogation sur les nations et le nationalisme, et une approche englobante des XIXe et XXe siècles. L'ensemble débouche sur ce que E.J. Hobsbawm considère comme une accélération sans précédent ? et peut-être destructrice ? de l'histoire mondiale.
Histoire sociale et étude des nationalismes
Ses premiers travaux portent sur les mouvements de révolte dans les temps de transition vers le capitalisme. Dans son premier ouvrage important, Les Primitifs de la révolte dans l'Europe moderne (1959), E.J. Hobsbawm fait émerger les figures du bandit social ? qu'il étudiera en détail dans Les Bandits en 1969 ? de « la foule urbaine et des émeutes », des « sectes ouvrières », sans oublier les célèbres luddites, ces révoltes radicales où les ouvriers détruisaient leurs propres machines. Il fait entendre « la voix des rebelles », mais dans des perspectives résolument antifolkloriques et antiromantiques. Des proclamations de Ned Ludd invitant à « supprimer toutes ces machines qui font tant de mal à notre peuple » (1812), aux « sermons grévistes » dans les Etats-Unis de l'année 1929, l'important, souligne-t-il, c'est le paradoxe entre le caractère archaïque des révoltes et la modernité de la société où elles se déploient.