En 1971, en pleine euphorie maoïste, un vrai sinologue, Pierre Ryckmans, publie, sous le pseudonyme de Simon Leys, un pamphlet au titre évocateur, qui démystifie la révolution culturelle : Les Habits neufs du président Mao. Au contraire des intellectuels français qui y voient une révolte antiautoritaire spontanée contre la bureaucratie, il analyse cette révolution comme l’expression d’une bataille interne au clan bureaucratique, déclenchée par Mao lui-même. Loin des naïvetés volontaires des thuriféraires du régime, Simon Leys étaye son analyse de sources chinoises et montre que cette révolution relève d’une pure imposture : elle n’est que la reprise systématique du pouvoir par un Mao peu à peu réduit à un rôle de potiche. Comment le Grand Timonier a-t-il pu en arriver là ? L’explication que donne Simon Leys tient à ses échecs successifs : d’abord celui des « Cent Fleurs » de 1956-1957, un épisode qui visait à ouvrir la voie à des critiques, vite refermée pour « déviationnisme de droite » puis, plus dramatique, celui du « Grand Bond en avant » de 1958 qui aboutit à un désastre économique chèrement payé par un peuple en proie à la famine. Usant de sa légitimité de héros de la Révolution, Mao se sert de la jeunesse engagée dans les Gardes rouges pour mettre en question la bureaucratie de l’appareil du Parti et reprendre, dans toutes les provinces, un pouvoir qui lui a échappé.