Et l'Europe s'embrasa : de la Révolution à l'Empire de Napoléon

La fin du XVIIIe siècle voit naître un monde nouveau. Les guerres de la Révolution et de l’Empire entérinent la fin de l’équilibre des puissances hérité des traités de Westphalie.

Le 20 avril 1792, la France révolutionnaire déclare la guerre à l’Autriche. Commence alors un conflit majeur par sa durée (près d’un quart de siècle, jusqu’en 1815), son extension au monde entier, le nombre des victimes qui dépasse le million pour la seule France. Conséquence directe, ce conflit bouleverse la carte politique de l’Europe : écroulement de l’Empire espagnol, réorganisation du système des relations internationales sous l’égide du congrès de Vienne. La guerre a aussi des conséquences indirectes : c’est par la guerre et les conquêtes que les principes de la Révolution se répandent dans le monde entier, alors même que les armées révolutionnaires sont finalement vaincues.

Au service de la Révolution ?

La guerre se veut une arme au service de la Révolution, qu’il s’agisse d’en exporter les principes, de renverser l’Ancien Régime partout en Europe, voire de provoquer en France même une crise politique si grave qu’elle permettrait d’en finir avec la royauté.

Elle illustre ainsi, à son commencement, la puissance de la volonté de rupture avec le passé. Mais sur ce terrain comme en politique, l’illusion du recommencement devait faire long feu. La nation renonce solennellement en 1790 « à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes », mais la guerre de libération des peuples opprimés déclenchée en 1792 se transforme d’elle-même en guerre de conquête dès les premiers succès des armées françaises, en 1793 et surtout 1794. Les peuples « libérés » font grise mine à ces missionnaires de la liberté qui se manifestent surtout par des pillages et des réquisitions. Les armées de libération se muent en armées d’occupation, et les territoires libérés en territoires exploités. Très vite se pose la question de leur avenir, et dans des termes qui ne sont plus ceux du lexique révolutionnaire : d’où le retour au premier plan dans le débat politique d’une vieille idée, celle de la conquête des frontières naturelles.

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Autrement dit, la guerre faite par la Révolution commence à ressembler de plus en plus à celle faite jadis par les rois. On se réjouit des conquêtes, le gouvernement ne cache plus ses ambitions territoriales. Dans les discours, la part faite aux principes philosophiques de la Révolution se réduit comme peau de chagrin. Parallèlement, on exalte à nouveau des valeurs traditionnelles telles que le patriotisme, l’héroïsme, l’esprit de sacrifice, la discipline et, surtout, l’honneur. Ainsi, la Révolution renoue avec l’Ancien Régime, d’autant que son épopée militaire prolonge une histoire plus ancienne : les soldats de la République combattent sur les mêmes champs de bataille que ceux de l’ancienne monarchie. La guerre établit ainsi un pont entre les deux France – celle de la Révolution et celle de l’Ancien Régime – et renoue le fil entre ses deux histoires que 1789 ont séparées.

La fin de l’équilibre des puissances ?

Ce faisant, la Révolution dépossède l’Ancien Régime de certaines des valeurs, telles que le passé et la tradition, qui figurent parmi ses principaux titres. La guerre finit d’exproprier l’ancienne société, mais en incorporant ses valeurs, notamment militaires, à l’héritage de la Révolution. L’armée accomplit ainsi le rêve de toute une génération, qui ne consiste nullement à vouloir faire table rase de la culture aristocratique, mais à se l’approprier en remplaçant le titre de la naissance par celui du mérite. Mais la Révolution, à son tour, ne sort pas indemne de ce quart de siècle de conflit : elle retrouve les continuités de la diplomatie française, et la France révolutionnaire, au lieu de changer les règles du « grand jeu » européen, s’y intègre.