Être mère

Être mère 18e-21e siècle, Patricia Ménissier, CNRS, 2016, 208 p., 20 €.

Mère aimante, indigne, indifférente, laxiste, sévère, « suffisamment bonne », au foyer, au travail, fille-mère, mère adoptive, porteuse, biologique… Les figures de la mère sont multiples, et l’on ne cesse de s’interroger sur la bonne manière d’être une bonne mère. Mais on oublie souvent à quel point la conception du fait maternel a été influencée par les époques et la littérature. Tout l’intérêt de cet ouvrage, qui s’appuie sur les proses de philosophes, de romanciers, de médecins, de militantes féministes, etc., est de nous donner à voir comment cette fonction a pu être pensée depuis le 18e siècle jusqu’à nos jours. L’enquête de Patricia Ménissier va de Rousseau, fustigé pour avoir abandonné ses enfants tout en donnant des conseils pour les élever, jusqu’aux enquêtes les plus récentes, en passant par Balzac, les écrits féministes et Romain Gary. Le fait est que, dans le rapport de la mère à ses enfants, l’affectif et l’intimité n’ont pas toujours primé. En effet, la « mise en nourrice » a longtemps été une norme, avant que toutes les femmes soient « appelées à devenir des mères au nom du bien-être des enfants », et soient reconduites au foyer pour réaliser leur mission supposée originelle. Qu’est-ce qu’être mère aujourd’hui ? Est-ce être à l’origine du projet d’enfanter ? De porter l’enfant ? De l’élever ? Si dans la loi le fait de porter l’enfant et d’accoucher prime, il semble que le champ des possibles se soit largement ouvert. Pour autant, les mères n’ont sans doute jamais autant qu’aujourd’hui dû mener une carrière tout en gérant la charge mentale liée à la bonne tenue du foyer (en l’absence, toujours, d’une répartition équitable des tâches domestiques), et en restant « femmes », le tout en s’efforçant d’être des « mères parfaites ». Une exigence d’autant plus forte qu’elles peuvent désormais choisir le bon moment… « Indéniablement, les mères actuelles doivent faire face à de multiples obstacles, dont le premier tient sans doute à l’image idéalisée héritée de la tradition d’une mère aimante et disponible, veillant avec dévouement sur le développement et l’éducation de ses enfants, dont il est difficile de se défaire. » À quand un livre sur « être père » ?