L’Europe peut-elle être une puissance* au même titre que les États-Unis ? Peut-on faire une analyse géopolitique – fondée sur la puissance – d’une Union européenne qui a rompu totalement avec les principes de la guerre et les rapports conflictuels classiques, et où les pays adhérents s’engagent à ne plus jamais utiliser la force pour régler leurs conflits ?
Le dépassement de la puissance
C’est pourtant bien une telle approche de l’Europe que propose Sylvain Kahn dans son dernier ouvrage, Géopolitique de l’Union européenne (Armand Colin, 2007). Enseignant à l’IEP-Paris, spécialiste de l’Europe, il considère que celle-ci devient « une construction postwestphalienne* », c’est-à-dire un espace qui sort des comportements classiques de coopération régionale des État souverains, pour devenir « une construction géopolitique kantienne* » : « La construction européenne modifie profondément la représentation des États-nations. Elle indique leur sortie d’une longue ère de relations fondées sur les rapports de force, de domination et de soumission. Elle marque leur entrée dans une époque d’association et de mutualisation de pans de souveraineté (…). L’Union européenne n’est donc pas tant l’instrument d’un dépassement de l’État que celui de la mutation des valeurs politiques et idéologiques dont il a été le vecteur depuis la Renaissance. »