Faut-il douter de tout ?

L’esprit critique est une arme face aux fausses évidences. Mais à douter de tout, on court le risque de sombrer dans l’ignorance totale. À qui et à quoi se fier ? Comment développer l’autodéfense intellectuelle ?

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Enfants, nous croyons spontanément nos parents, qui en profitent pour nous faire croire au Père Noël. Plus tard, nous découvrons petit à petit à nos dépens que le monde grouille de menteurs et de charlatans. Nous apprenons alors à douter des autres, y compris des personnes dites « expertes » ou qui font figure d’autorité.

De nombreuses « découvertes scientifiques » sont ainsi remises en question régulièrement. Dans les années 1970, par exemple, l’agriculteur Aldo Bonassoli et l’aristocrate Alain de Villegas prétendent frauduleusement avoir inventé une machine permettant de déterminer à distance la composition des sous-sols. Cette merveilleuse invention, transportable, devait permettre de détecter les gisements de pétrole depuis un avion. Ce qu’il y a d’étonnant dans cette affaire dite des « avions renifleurs » (selon la formule consacrée de Pierre Péan), c’est que les escrocs ont finalement réussi à convaincre Elf Aquitaine, géant du pétrole, ainsi que plusieurs hommes politiques français haut placés de l’époque. Un contrat de plusieurs centaines de millions de francs fut signé parce que dirigeants d’entreprise et politiques furent les dupes de deux bonimenteurs. Cette escroquerie fut celle d’une paire de filous sans diplôme valable ni responsabilité publique, ce qui aurait bien sûr été une garantie supplémentaire de leur sérieux… n’est-ce pas ?

Le mythe de la mémoire de l’eau

En 1988, c’est un véritable scientifique reconnu qui devait tromper l’opinion publique, les grands médias et même la prestigieuse revue Nature. Jacques Benveniste prétend avoir prouvé, avec une équipe internationale de chercheurs, que l’eau en contact avec certaines substances garde des propriétés de cette substance, même une fois que cette dernière a été ôtée jusqu’à la dernière molécule. Une telle découverte aurait été révolutionnaire car elle aurait remis en cause des principes fondamentaux des sciences de la matière et aurait donné une explication plausible aux hypothèses baroques des homéopathes, qui affirment, pour leur part, qu’un produit peut avoir un effet même lorsque sa dilution est telle qu’il ne reste plus la moindre molécule dudit produit. La revue Nature accepta de publier la « découverte » de J. Benveniste, bien qu’elle doutât de la réalité de la chose. Des vérifications invalidèrent par la suite ces travaux, mais le mal était fait : publiée dans une revue scientifique, reprise par la plupart des médias, le mythe de la « mémoire de l’eau » conserve des adeptes.

On ne peut donc pas faire confiance aux scientifiques patentés, dont certains nous filoutent à l’occasion ! Quant au crédit qu’on peut accorder aux hommes les plus puissants, il suffit d’écouter l’incessant fleuve de menteries de Donald Trump, que les journaux arrivent difficilement à suivre : plusieurs journaux étasuniens ont révélé plus de 10 000 mensonges proférés par le président. Trump est un fourbe expert, mais les présidents et ministres français se succèdent et se contredisent d’un mois sur l’autre.

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Si notre objectif est de ne pas croire à tort, alors il faut arriver à cette conclusion qu’on ne peut pas faire confiance à autrui, fût-il diplômé, fût-il investi par le peuple d’une grande responsabilité, fût-il un scientifique reconnu.