En demandant à qui appartient la beauté, Bénédicte Savoy sait que la question qu’elle pose est rhétorique, tant il est évident qu’elle n’appartient à personne. Mais l’historienne, spécialiste de la spoliation des œuvres d’art, entend par elle en soulever une deuxième, autrement plus délicate et politique : de quel droit certains musées occidentaux concentrent-ils dans leurs murs la beauté du monde ? Le principe d’un héritage réputé universel et partagé avec toute l’humanité peut paraître légitime aux yeux des orgueilleux vainqueurs de l’histoire, mais « il nous suffit aujourd’hui d’un minuscule effort d’introspection et d’un léger pas de côté » pour voir les choses autrement, argumente celle qui a été chargée par Emmanuel Macron de rédiger un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Rappelant que les pillages et prises de guerres restent la norme jusqu’au début du 20e siècle, elle reconstitue les rocambolesques parcours de neuf œuvres emblématiques, des sculptures de bronze du palais d’été de Pékin à la statue de la reine Bangwa du Cameroun, en passant par L’Enseigne de Gersaint d’Antoine Watteau.