Les enfants et même les bébés sont affectés directement par les violences, nombre d’études en ont attesté. Ces traces sont d’ailleurs tellement fortes qu’elles s’inscrivent dans le présent et le futur de cet enfant en développement. Elles auront encore un impact chez l’adolescent puis l’adulte qu’il sera dans les peurs qui l’habiteront, dans sa capacité à grandir et à investir le monde sereinement.
À ces effets directs vont s’ajouter les conséquences indirectes. En effet, pour survivre et grandir, les enfants ont besoin de l’aide de leurs parents ou de substituts. Or, des parents traumatisés et un groupe déstructuré par la guerre sont souvent trop préoccupés par leurs propres douleurs, leurs pertes ou leurs frayeurs pour se préoccuper de manière adaptée de leurs enfants. Les enfants peuvent se sentir isolés psychologiquement, à un moment où tout leur système de croyance – la vie/la mort, le bien/le mal, la place des générations… – se trouve déstabilisé par l’expérience de la violence.
Être fier de son nom
Cette situation peut entraîner une perte de confiance, d’abord confiance en soi puis confiance en l’avenir. C’est le cas de Massoud, un enfant afghan dont la famille s’est réfugiée en Iran pendant la guerre d’Afghanistan, il y a de nombreuses années. Alors qu’il était adolescent, son père meurt brutalement. Massoud est un élève brillant. Son envie d’apprendre va faire penser à sa famille que Massoud peut tenter sa chance en Occident, et revenir avec un beau métier. Massoud a alors 16 ans. Il part avec un autre adolescent du même camp qui mourra sur le chemin. Arrivé en France après avoir traversé l’Iran et l’Europe, il vit dans la rue un temps puis est accueilli dans une association. Installé là, il perd toute envie de vivre et se laisse sombrer dans une mélancolie. Il veut apprendre le français, les mathématiques, mais il est assailli par une question à laquelle il va falloir l’aider à répondre : suis-je quelqu’un de digne alors que je n’ai pas enterré mon « frère » ? (Il a été contraint de l’abandonner pour ne pas ralentir le passeur). Est-ce que c’est cela que ma mère attendait de moi ? Pour soigner Massoud, il faut l’aider à répondre à ces questions.
Marie Rose Moro, Fabert, 2016. Marie Rose Moro, Dalila Rezzoug et Lionel Bailly, Marie Rose Moro, Hélène Asensi et Marion Feldman (dir.), , La Pensée sauvage, 2014.