Spécialiste des courants gnostiques, peu connu du grand public, Hans Jonas (1903-1993) a 76 ans et déjà une longue carrière derrière lui quand il fait paraître Le Principe Responsabilité en 1979. L’ouvrage connaît un immense succès en Allemagne où il devient un best-seller philosophique. Face à un texte long, sinueux, souvent aride, un tel écho peut surprendre. Il témoigne des attentes vis-à-vis d’une question encore peu pensée alors par la philosophie : celle des menaces qui pèsent sur la survie de l’homme et de la nature. Le Principe Responsabilité devient en quelques années le livre de chevet de nombreux écologistes.
Repenser la responsabilité morale
Pour H. Jonas, les éthiques traditionnelles sont désormais caduques. Il n’entend donc rien moins que proposer « une éthique pour la civilisation technologique ». Le titre Le Principe Responsabilité fait référence au Principe Espérance du marxiste Ernst Bloch qui réhabilitait l’utopie. Au-delà d’E. Bloch, cible directe de son livre, c’est plus généralement au marxisme que s’attaque H. Jonas. Et notamment son rapport « naïf » à la technique, survalorisée sans véritable conscience des dangers qu’elle recèle.
Le constat dont part H. Jonas fait l’objet d’un consensus de plus en plus large : le développement des sciences et des techniques est tel qu’il constitue une menace et met en péril la nature et l’homme lui-même. Dans une folle fuite en avant, il semble devenu immaîtrisable. Or, l’éthique traditionnelle ne peut répondre à ce problème. Elle souffre selon lui de plusieurs insuffisances. Tout d’abord, elle est trop anthropocentrique, c’est-à-dire qu’elle est centrée sur les rapports qu’ont les hommes entre eux alors qu’il faut désormais songer aussi à nos rapports à l’environnement. du reste, ce n’est pas seulement lui qui est menacé mais aussi la nature humaine elle-même – notamment par les manipulations génétiques – et les conditions d’une existence digne de ce nom.