Celui par qui la nouvelle « affaire Heidegger » arrive se nomme Peter Trawny. Professeur à l’université de Wuppertal (Allemagne), il est l’un des meilleurs connaisseurs de la philosophie de Martin Heidegger, et supervise depuis plusieurs années la publication de ses œuvres complètes, selon l’ordre très strict que ce dernier avait indiqué. Or, dans les inédits figuraient jusqu’à récemment les Cahiers noirs : il s’agit de 34 cahiers à couverture noire (d’où leur nom), représentant plus de 1 000 pages écrites à la main entre 1930 et 1970, dans lesquelles le philosophe livre ses pensées les plus intimes. Ces cahiers sont actuellement en cours de publication outre-Rhin, sous le contrôle de P. Trawny. Or, parallèlement, le même P. Trawny a écrit un petit essai, traduit presque immédiatement en français : Heidegger et l’antisémitisme, sur les Cahiers noirs. L’auteur, que l’on ne peut pas suspecter d’« antiheideggerisme primaire », y démontre le caractère brutalement antisémite du plus célèbre philosophe du 20e siècle. L’adhésion de celui-ci au nazisme était connue. Mais l’intrication de l’antisémitisme avec sa pensée philosophique était jusqu’ici sujette à débat. Explications.
Heidegger fut élu recteur de l’université de Fribourg le 21 avril 1933, fonction dont il démissionna le 23 avril 1934. Il affirmera par la suite s’être borné à des tâches purement administratives et à prononcer quelques discours regrettables. Après sa démission, en disgrâce, il aurait subi la censure des autorités nazies. Telle est la thèse qui sera reprise en France notamment par son disciple Jean Beaufret.