Heureux comme un juif en Allemagne ?

L’Impossible retour. Une histoire des Juifs en Allemagne depuis 1945. Olivier Guez, Flammarion, 2007, 336 p., 22 €

Terre maudite, telle est l’Allemagne pour les Juifs au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Comment vivre dans un pays qui a commis le plus effroyable des crimes ? La question ne cessera de tarauder les Juifs qui en dépit de tout y resteront ou s’y installeront.

On l’ignore souvent, les Juifs de l’Est qui réchappent de la Solution finale s’installent en masse en Allemagne entre 1945 et 1948, fuyant l’antisémitisme de leur pays, attendant de pouvoir émigrer. Fin 1946, ils sont ainsi près de 150 000 dans les camps de personnes déplacées (DP’s) de la zone américaine. Dans ces « derniers shtetl de l’histoire », ils vivent là en autarcie, dans la haine de l’Allemagne, n’attendant qu’une chose : fuir, surtout en Israël ou aux États-Unis. En 1952, les camps ont fermé, une minorité est restée, rejointe par des « rémigrés ». Mais il n’est guère simple d’être juif en Allemagne, en butte à la fois à l’incompréhension de ses coreligionnaires à l’étranger, et à la gêne voire au déni d’une population allemande face à un passé embarrassant. « On ne doit pas parler de corde dans la maison du bourreau ; on est vite soupçonné, sinon, de ressentiment », notait avec amertume le philosophe Theodor Adorno de retour après son exil américain. Le judaïsme en Allemagne est-il alors condamné à n’être qu’une survivance moribonde ? Ironie de l’histoire : un demi-siècle plus tard, la terre des bourreaux est devenue le premier foyer européen d’immigration juive. Lothar de Maizière, le dernier Premier ministre de la République démocratique d’Allemagne (RDA), prend une décision historique pour racheter l’Allemagne de ses crimes : accueillir dès 1990 les Juifs d’ex-Union soviétique qui le souhaitent. Malgré des hésitations, l’Allemagne réunifiée ne reviendra pas sur cette généreuse politique. Ils seront 220 000 à saisir l’occasion.