Publié d'abord en Italie, ce livre réunit les contributions d'historiens de plusieurs nationalités. Ses deux directeurs, cependant, Guglielmo Cavallo, professeur de paléographie grecque et Roger Chartier, historien de la culture écrite, lui confèrent un solide fil conducteur. Si on a longtemps considéré que l'imprimerie constituait une révolution dans l'histoire de la lecture et de l'écriture, ils proposent ici une tout autre thèse mettant en évidence plusieurs ruptures dans cette histoire.
Au Moyen Age, le livre devient un instrument de travail intellectuel pour les lettrés - clercs ou notables laïques -, et les bibliothèques deviennent un lieu de travail. La deuxième rupture intervient au xviiie siècle. Avant même l'industrialisation de l'imprimerie, livres, journaux et feuillets destinés au colportage se multiplient. Certains lecteurs se mettent à les consommer avec avidité et esprit critique. Cette « fureur de lire » en inquiète d'ailleurs plus d'un car elle éloigne « les sujets de leur prince et les chrétiens de leurs églises ».
Enfin, nous serions actuellement en train de vivre la troisième révolution de l'écrit avec le texte électronique. En annulant « les distinctions anciennes entre les rôles intellectuels et les fonctions sociales », l'électronique permet au lecteur de devenir coauteur. Mais on ignore encore si cette remise en question de « l'ordre des livres » (selon l'expression de Chartier) produira un changement de l'ordre du monde...