En mars 2012, une équipe de préhistoriens franco-chinoise a publié une étude confirmant une présence humaine très ancienne en Chine. Dans le centre du pays, sur le site de Longuppo (près de Chongqing), des humains ont été datés entre 1,5 et 1,8 million d’années. Cette étude confirme toute une série d’autres découvertes archéologiques menées depuis une dizaine d’années sur l’ancienneté de la présence humaine en Chine (1). Tout semble donc attester que les premiers Homo, apparus en Afrique un peu plus tôt, n’ont pas attendu longtemps avant de quitter leur berceau africain pour partir à la conquête d’autres continents.
Par la suite, d’autres vagues de migration vont partir d’Afrique (2). Ainsi pour s’installer en Australie, les premiers Aborigènes ont dû s’embarquer dans des canots et traverser des bras de mer de plusieurs dizaines de kilomètres. C’était il y a 50 000 ans, des milliers d’années avant que les premiers hommes modernes commencent à peindre sur les parois de Lascaux ou de Chauvet. La grande dispersion humaine sur le globe avait donc commencé très tôt. Pour quelles raisons ? Quel était le mobile de ces premiers grands voyages ?
Voici quelques années, j’ai eu l’occasion d’assister à une virulente prise de bec entre deux éminents spécialistes. Lors d’un colloque sur les origines, le paléoanthropologue Pascal Picq soutenait qu’à l’aube de l’humanité, nos ancêtres avaient eu le goût du voyage et ressenti l’appel du large. « C’est du romantisme ! », avait aussitôt répliqué l’anthropologue Frédéric Joulian depuis la salle. « Une vision non scientifique de l’histoire », avait-il crié de son siège. Pour lui, les premiers hommes s’étaient vraisemblablement déplacés sous l’effet de contraintes économiques – raréfaction du gibier ou pression démographique. La colonisation de nouveaux lieux de vie s’était ainsi faite de proche en proche, de génération en génération, sans but prémédité. Les « voyages » entrepris par Homo erectus n’étaient qu’une illusion rétrospective et une vision enchantée de l’histoire.