Inégalités de revenus : est-ce la bonne question ? Entretien avec Louis Maurin

Pour Louis Maurin, fondateur de l’Observatoire des inégalités, la question des inégalités de revenus cache bien d’autres tensions, notamment en matière d’éducation.

Combien y a-t-il d’artisans en France ? Les inégalités de revenus ont-elles explosé ces dernières années ? Quelle est la surface moyenne d’une maison ou d’un appartement ? Journaliste au mensuel Alternatives économiques, directeur de l’Observatoire des inégalités, Louis Maurin connaît la France comme sa poche. Dans Déchiffrer la société française, il offre un portrait statistique le plus complet possible du pays. Mais au-delà, il met aussi en évidence les évolutions lentes et profondes qui transforment peu à peu, pour le meilleur comme pour le pire, notre société. Ni passéiste, ni « béat » face au changement, il offre une analyse nuancée de la situation. Un discours qui n’est ni le plus audible ni le plus facile à tenir dans l’espace public.

 

Vous dites vouloir dans votre livre éviter le « catastrophisme ambiant »…

Effectivement. Le seuil officiel de pauvreté est par exemple passé en 2008 de 50 à 60 % du revenu médian. Selon cette nouvelle définition, ce seuil se situait en 2007 à 908 euros mensuels pour une personne seule, et à 1 907 euros pour une famille avec deux jeunes enfants.

À cette aune, il y aurait donc huit millions de pauvres en France. Cela veut dire que l’on met dans le même sac les personnes aidées par les associations caritatives et une « France modeste » que j’ai du mal à qualifier de pauvre. Je comprends que l’on puisse grossir le phénomène pour lui donner toute son importance, mais on noie la réalité.

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C’est exactement de la même façon que l’on tire la définition des classes moyennes vers le haut, et que l’on finit par estimer qu’à 4 000 euros par mois on n’est pas riche… Rappelons que le salaire médian dans le secteur privé, pour un temps complet, était de 1 552 euros en 2006 ! On est sans doute plus proche de quatre que de huit millions de pauvres…, et c’est déjà beaucoup trop pour l’un des pays les plus riches au monde ! Ce n’est pas la peine d’en rajouter : quand on exagère les phénomènes, on finit par décrédibiliser l’information dans son ensemble. Notamment auprès des catégories populaires.