ENTRETIEN AVEC PIERRE ROUBERTOUX

Intelligence : la part des gènes

Les généticiens s'intéressent aux relations entre gènes et intelligence. Mais de quelle intelligence s'agit-il ? De quoi parle- t-on ?

Les études génétiques de l'intelligence se placent maintenant dans une perspective cognitiviste, qui décompose l'intelligence en aptitudes assorties d'un ancrage neurobiologique et cérébral : à chaque fonction psychologique (les variantes de la mémoire, l'apprentissage, la plasticité) correspond un réseau de structures cérébrales. Il est important de préciser que l'intelligence mesurée par les tests de QI ne se prête pas à des études génétiques. Cela n'est pas très étonnant dans la mesure où cet instrument nous renseigne sur le degré d'adaptation sociale et intellectuelle d'un individu, sans tenir compte de fondements biologiques sous-jacents, qui permettraient de relier les capacités mesurées aux gènes.

Aucun gène qui serait lié au QI n'a pu être détecté, jusqu'ici. Nos travaux sur les pathologies qui affectent l'intelligence, comme le syndrome de Williams (délétion de quelques gènes du chromosome 7) et la trisomie 21 (un chromosome surnuméraire), montrent bien les limites diagnostiques des tests de QI. Le déficit intellectuel pour ces deux maladies se traduit par des aptitudes (vocabulaire, apprentissage de techniques nouvelles, changements de stratégies) différentes, qu'une mesure globale ne permet pas d'identifier. Dans la trisomie par exemple, il y a un manque de plasticité, une incapacité à acquérir des aptitudes nouvelles. On ne trouve pas ça dans le syndrome de Williams, qui comporte d'autres défauts comme le déficit de la mémoire à long terme...

La génétique et ses outils ont beaucoup évolué ces dernières années... En quoi cela a-t-il fait progresser les recherches sur l'intelligence ?

On s'est longtemps contenté de faire des inférences sur les gènes. La méthode des adoptions*, qui fut très utilisée, est aujourd'hui délaissée pour le peu d'information qu'elle apporte. Elle s'appuyait sur des spéculations douteuses concernant le patrimoine génétique des parents et notamment du père biologique, dont on n'avait bien souvent aucune trace.