Lorsqu’en 1950 Claude Lévi-Strauss présente Roman Jakobson à Jacques Lacan, c’est le coup de foudre. Lors de ses passages à Paris le linguiste aura dorénavant sa chambre réservée au 3, rue de Lille chez la compagne de Lacan, Sylvia. Dans sa Mercedes blanche décapotable, Lacan fait découvrir le charme des routes de France à son ami linguiste, poursuivant avec lui un dialogue serré. Tout en tenant le volant, il se retourne plus souvent qu’à son tour vers son ami, n’accordant à sa conduite qu’une attention flottante.
Si la rencontre entre Lévi-Strauss et Jakobson à New York a été séminale pour l’anthropologie structurale, celle de Jakobson et Lacan l’est tout autant. Lacan, qui cherche à étayer la psychanalyse sur la linguistique, la science pilote de l’époque, relier le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure aux apports de Jakobson, trouve dans les thèses du phonologue de quoi renouveler et structuraliser la démarche freudienne. Dans sa publication de 1957 « L’instance de la lettre dans l’inconscient », Lacan mentionne pour la première fois les thèses de Jakobson sur la métaphore et la métonymie, assimilant la condensation (c’est-à-dire la compression à laquelle procède l’inconscient dans les rêves) à un procédé métaphorique et le déplacement (qui déplace le contenu d’un rêve d’un élément à un autre) à un procédé métonymique. Il peut alors affirmer haut et fort que « l’inconscient est structuré comme un langage ».