Jeanne d'Arc La combattante

Condamnée comme « hérétique, relapse, idolâtre », Jeanne est passée du statut de sorcière à celui d’envoyée de Dieu, pour devenir l’un des grands mythes patriotiques français.

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Jeanne d’Arc (1412-1431) fut-elle un grand homme ? Vaste question, dont la formulation ambiguë révèle toute la complexité. Car dans le cas de la petite bergère lorraine, le personnage historique disparaît sous le mythe. Devenue une icône, Jeanne d’Arc est plus importante par son destin posthume que par sa courte carrière.

Née probablement en 1412 à Domrémy, dans une famille paysanne, elle grandit dans le contexte troublé de la guerre de Cent Ans, à un moment où le royaume semble à la veille de sombrer : tout le Nord, y compris Paris, est aux mains du roi d’Angleterre, qui après sa victoire d’Azincourt (1415) est reconnu comme roi de France par le traité de Troyes en 1420. Au sud de la Loire, le dauphin capétien, qui doute de sa propre légitimité, tente désespérément de contenir l’avance anglaise. L’attention se focalise sur Orléans, assiégée par les Anglais depuis octobre 1428 : sa chute serait le prélude à l’invasion du Sud. Dans un environnement pénétré par les croyances surnaturelles, Jeanne imagine entendre les voix de saint Michel, sainte Catherine, sainte Marguerite, particulièrement vénérés dans cette région, qui lui demandent de délivrer Orléans, d’aller trouver le dauphin et de le faire couronner à Reims. Son cas n’est pas unique : d’autres adolescentes impressionnées par les sermons et les prophéties, se croient également chargées d’une mission libératrice. Les chroniques signalent Catherine de La Rochelle, Pierronne la Bretonne, Jeanne de Sermaize, Claude des Armoises, et les femmes combattantes ne sont pas rares pendant la guerre de Cent Ans : Juliette Du Guesclin, la sœur du connétable, ou encore une Frisonne, qui se bat « comme folle et enragée », écrit Froissart en 1396, et aussi une Flamande, morte au combat en 1382, sans oublier Jeanne de Montfort et la célèbre Jeanne Hachette. Après tout, écrit l’évêque Thomas Basin, contemporain de Jeanne d’Arc, « que Dieu se soit servi de l’intermédiaire de femmes, tantôt armées et tantôt non, pour apporter aux siens la consolation des secours et des victoires qu’il leur donnait sur leurs ennemis, les histoires l’attestent de Débora, de Judith, d’Esther ».