On l’ignore souvent, mais la paresse ne figurait pas dans les premières listes des péchés capitaux. Ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge qu’elle tend à remplacer l’acédie. Subtilité ou préciosité de langage ? Non, de l’acédie à la paresse, il existe bien une autre manière de considérer le péché. Chez Evagre le Pontique, le père des péchés capitaux, l’acédie est un vice qui frappe d’abord les ermites. Aux iiie et ive siècles, des religieux en Égypte et en Palestine décident de vivre leur foi dans le désert et de se retirer radicalement du monde. Mais certains sont confrontés à un mal étrange : ils deviennent apathiques, se laissent aller, accablés par une angoisse oppressante. Inquiétude, oisiveté, instabilité, somnolence, dégoût, ennui les conduisent à négliger leurs devoirs envers eux-mêmes et envers Dieu. Vice instable, entre ennui et inquiétude, l’acédie apparaît très proche d’un autre vice capital chez Evagre, la tristesse dont elle procède. Tant et si bien que le pape et moine Grégoire l’élimine lorsqu’il remanie les péchés capitaux pour ne garder que la tristesse. Dès lors que les moines vivent en communauté avec des journées organisées par le travail, l’étude et la prière, l’acédie apparaît comme obsolète.
• Carla Casagrande et Silvana Vecchio, Aubier, 2003.