L'éducation, matrice de la citoyenneté

L’assassinat de Samuel Paty a réactivé une attente : c’est à l’école qu’il reviendrait de former des citoyens éclairés. Encore faut-il qu’elle en ait les moyens.

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En octobre 2020, un enseignant a été décapité en pleine rue. Professeur d’histoire-géographie à Conflans-Sainte-Honorine, Samuel Paty est mort pour avoir présenté à ses élèves des caricatures de Charlie Hebdo dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. Un événement tragique qui vient réactiver les puissantes attentes qui pèsent sur l’école française, dont la mission historique consiste à former des citoyens. Aux « hussards noirs » de la République, l’État demande aujourd’hui de voler au secours de la démocratie, comme lors des attentats de 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes… à ceci près que les personnels de l’éducation sont cette fois touchés de plein fouet. « Au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, j’ai essayé de faire un petit sondage dans mon collège pour savoir où en étaient les collègues : certains qui ne sont pas profs d’histoire-géo m’ont répondu qu’ils étaient un peu perdus, qu’ils se sentaient à l’abandon. Les formations qu’on suit sur la base du volontariat sont souvent très théoriques. L’an dernier, j’en ai fait une sur la laïcité, c’était très intéressant mais pour comprendre ce qui se disait il fallait déjà bien connaître cette question », assure Christophe Naudin, professeur d’histoire-géographie, qui a publié récemment Journal d’un rescapé du Bataclan. Être historien et victime d’attentat (2020). Force est de constater que de nombreux enseignants se sentent désarmés quand resurgissent dans le brouhaha de l’actualité des notions comme la « laïcité », la « liberté d’expression », le « droit au blasphème », la « foi dans la raison » Un florilège de valeurs à défendre aux contours souvent flous : « Pour beaucoup d’enseignants, ces valeurs ne font pas sens. Du coup, ils vont intégrer celles qui leur semblent les plus importantes à défendre dans le contexte dans lequel ils travaillent : la démocratie ou l’égalité homme/femmes… », souligne Charlène Ménard, doctorante en sciences de l’éducation. « Lorsqu’on agite les valeurs de la République, on a dit bien peu de choses et surtout des choses confuses », abonde l’historien Christophe Prochasson, ancien recteur de l’académie de Caen et conseiller éducation de François Hollande de 2015 à 2017. Pour le pédagogue Philippe Meirieu, auteur de Ce que l’école peut encore pour la démocratie (2020), « la France exalte beaucoup la République, mais c’est une notion évanescente pour les enseignants : ça renvoie à la Révolution française, Jules Ferry… »