Peu de comportements humains sont aussi répandus aujourd’hui que le consumérisme, à savoir l’acquisition de biens au-delà des besoins essentiels de la vie. La diffusion géographique du phénomène a largement dépassé celle des grandes religions missionnaires. Ainsi, le grand magasin, né à Paris dans les années 1830, a rapidement été copié dans tout le monde atlantique.
La séduction que le consumérisme exerce indéniablement sur les populations ne saurait cependant faire oublier que le phénomène a suscité des attaques récurrentes. Qu’il s’agisse de déplorer sa superficialité ou de condamner ses effets sur l’écosystème.
Le fait de gens ordinaires
Les historiens considèrent aujourd’hui que le consumérisme moderne est apparu au cours du 17e ou du 18e siècle en Europe de l’Ouest. Avant la révolution industrielle, la machine à vapeur et les usines, certaines traces d’un consumérisme précoce peuvent certes être trouvées, par exemple dans la Chine visitée par Marco Polo ou sur les marchés opulents du Moyen-Orient. Mais la consommation était alors bridée par divers facteurs. Jusque-là, les populations du monde étaient en majorité composées de paysans qui produisaient tout juste la quantité de biens nécessaires à leur subsistance. Même lorsqu’un surplus existait, il était bien plus souvent utilisé pour construire ou entretenir des églises ou des mosquées que pour satisfaire des appétits de consommation individuelle. D’où le caractère tout à fait novateur du 18e siècle occidental. Les innovations qui y prirent place furent le fait ni de gouvernements ni des élites intellectuelles, mais de gens ordinaires. Des commerçants expérimentèrent de nouvelles manières d’attirer le chaland. Enseignes et vitrines plus attractives, prospectus alléchants, recommandations de produits par des notables : à peu près toutes les techniques de vente qu’on emploie aujourd’hui ont été introduites dans les décennies précédant 1800. Les clients se mirent à demander de nouveaux produits, recherchant des vêtements plus colorés et plus à la mode. Et ces nouvelles pratiques, qui émergèrent d’abord au sein des classes supérieures, se répandirent rapidement parmi les artisans des villes et les habitants des campagnes.