La colonisation du savoir

La Colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Monde » , Samir Boumediene, Des mondes à faire, 2017, 480 p., 24 €.

À l’automne 1680, scandale à la cour de France : l’apothicaire anglais Robert Talbor a réussi à soulager de la dangereuse fièvre quarte deux des enfants royaux de Louis XIV, ridiculisant les médecins français partisans de la saignée et des purgatifs. Mais quel est le secret de ce « Monsieur Talbor fébrifuge », que le Roi-Soleil acquiert alors à prix d’or ? Il mêle en décoction de l’écorce de Cinchona (soit de la quinine, substance sud-américaine), du sucre de canne pour en masquer l’amertume (plante d’origine asiatique cultivée désormais dans les Amériques), de l’opium (importé d’Asie). Le soulagement est immédiat. À Versailles, entouré de marais où pullulent alors les moustiques porteurs de paludisme (connu à l’époque comme fièvre quarte), se cristallisent alors nombre des enjeux de la géopolitique mondiale des substances médicamenteuses. La recette sera mise au service de la conquête en Louisiane.