La face cachée de la globalisation financière

Assimilés aux opérations de blanchiment et à la criminalité internationale, les paradis fiscaux constituent aussi un rouage essentiel de la finance internationale. Un dilemme pour les grands pays développés.
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Depuis une trentaine d'années, le capital financier constitue le facteur géographiquement le plus mobile et le plus diffus, au point de transformer radicalement le long processus historique de la mondialisation. On débouche sur un « nouveau régime d'accumulation financière » qui transforme monnaies, dettes ou actions en marchandises pour les banques, compagnies d'assurances ou fonds spéculatifs des grands pays développés. Rendue possible par les innovations technologiques qui interconnectent en temps réel toutes les places financières, la gestion de l'espace-temps mondial est devenue productrice d'extraordinaires rentes au prix cependant d'une instabilité croissante.

Mais pour fonctionner efficacement, ce système a aussi un besoin impératif d'espaces de non-droit symbolisés par les centres financiers extraterritoriaux (CFE) ou offshore ou paradis fiscaux. Très présents dans les guirlandes insulaires tropicales des Caraïbes et du Pacifique, ces quelque 70 petits ou micro-Etats valorisent la proximité d'une grande place internationale, dont ils partagent le même fuseau horaire voire la même monnaie. Ainsi, la petite ville de George Town, capitale du territoire britannique des îles Caïmans, est devenue la cinquième place financière mondiale en gérant 660 milliards de dollars de dépôts de non-résidents, à 80 % d'origine états-unienne.

Devenus des rouages essentiels de la mondialisation financière, ils gèrent entre 30 et 40 % des fortunes privées mondiales, accueillent 25 % des dépôts bancaires transfrontaliers et voient transiter 50 % des actifs financiers circulant dans le monde. Dans ce contexte, certains paradis se sont progressivement spécialisés comme le Luxembourg dans les holdings et fonds de placement mutuels, les Bermudes dans les compagnies d'assurance (40 % du total mondial) et l'expertise comptable, ou les Caïmans et les Bahamas dans les fonds spéculatifs.