La laïcité assiégée ?

À la demande du président de la République, la commission Stasi a produit un texte de référence pour redéfinir la laïcité aujourd'hui. Des chercheurs du Groupe de sociologie des religions analysent les attendus de ce rapport.

Voile, kippa, (grande) croix et autres bandanas et poils de barbe sont dans le collimateur de la République - française, n'oublions pas de le préciser.

Publications, déclarations, tribunes, émissions, manifestations... Nul ne peut plus ignorer un débat qui fait rage dans l'Hexagone et même au-delà et qui aboutit à la discussion d'une loi interdisant le port de « signes ostensibles », marquant une appartenance religieuse, dans les écoles publiques.

Comment en est-on arrivé là ? Petite chronologie des faits : c'est dans le cadre d'un malaise plus général de l'école - qui s'exprime dans la grève des enseignants au printemps dernier - que resurgissent les affaires de voile. Des jeunes filles musulmanes qui refusent de l'ôter pendant les cours sont exclues ou menacées de l'être, et ces décisions, largement commentées dans les médias, divisent la société.

En pleine polémique, le président de la République décide en juillet 2003 la formation d'une commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, dont la direction est confiée à Bernard Stasi, médiateur de la République depuis 1998. Jacques Chirac déclare en attendre « des propositions concrètes » et en tirera « toutes les conséquences, en ayant recours, s'il le faut, à la loi ».

publicité

C'est chose faite, la commission Stasi a rendu sa copie le 11 décembre, concluant à la nécessité d'une loi qui devrait être discutée au Parlement dans les mois qui viennent pour être appliquée à la rentrée 2004.

Si ce point d'aboutissement du rapport Stasi est le plus commenté dans les médias, il n'est cependant que la partie émergée de l'iceberg. Ce rapport, en effet, aujourd'hui publié à La Documentation française, constitue un document consistant 1, qui offre une explicitation officielle du principe de laïcité (principe inscrit dans la Constitution depuis 1946) telle qu'elle doit être conçue aujourd'hui.

Plusieurs chercheurs du Groupe de sociologie des religions de la laïcité (GSRL), laboratoire conjoint de l'Ecole pratique des hautes études et du CNRS, ont souhaité se livrer à une analyse du rapport Stasi, à la lumière de leur champ de recherche, lors d'une table ronde qui s'est tenue à l'Iresco le 21 janvier dernier en partenariat avec Sciences Humaines.