La magie gréco-romaine, à la découverte d'une belle oubliée

Longtemps négligée par la recherche historique, la magie gréco-romaine est pourtant l’une de celles qui ont légué le plus de témoignages directs. Tablettes d’envoûtement, phylactères, intailles et papyrus magiques sont autant de preuves de pratiques concernant toutes les sphères de la société. Elle est aujourd’hui lentement réévaluée à la lumière des études et des découvertes récentes.

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Dans les sociétés anciennes, la magie est omniprésente mais ses contours sont plus ou moins flous tant les frontières qui la séparent de la religion, de la philosophie et de la science sont ténues. C’est l’historien Jean Bottéro qui en a donné la meilleure approche. Selon lui, la magie se fonde sur la croyance en l’efficacité immédiate d’un certain nombre de comportements, de procédés et d’éléments produits par l’homme dans les buts les plus divers, bénéfiques comme malfaisants.

À l’image de nos sociétés actuelles où magie se confond souvent avec illusionnisme, les Anciens ont aussi ressenti une certaine difficulté à nommer les phénomènes qui caractérisaient leur irrationnel. Ainsi, les Grecs qui sont allés emprunter le terme de « magie » à l’univers religieux des Perses où la mageia étant à l’origine l’art des prêtres perses. Elle a ensuite pris une valeur nettement plus péjorative. Le vocabulaire hellène ne manquait pourtant pas de termes, notamment goèteia qui faisait référence à des réalités plus locales. Or déjà pour les Grecs du 5e siècle av. J.C., la magie doit passer pour quelque chose d’extérieur, d’étranger.

Un phénomène social difficile à définir

Cela témoigne d’un glissement très net d’une magie « intégrée » à une magie différenciée. Nous ne pouvons qu’entrevoir, notamment grâce aux mythes, le temps où cette magie intégrée cohabite avec religion, sciences, philosophie, voire les prémices du droit. La magie entend en effet donner une image complète de l’univers sur lequel elle prétend agir. Un seul et même personnage – le mage – remplit alors le rôle de médiateur entre le monde des humains, celui des dieux et celui des défunts ; mais il est aussi guérisseur et garant de la mémoire. La mise en place de la cité va provoquer une différenciation des disciplines et mettre la magie dans une relative ambiguïté : de plus en plus en adéquation avec les nouvelles règles mises en place, elle répond toujours à un besoin social. Elle va donc subsister de manière souterraine, se trouvant souvent dénigrée et regardée comme chose étrange voire étrangère. Le magicien est démythifié et devient un sorcier ou pire, un charlatan.

Les nombreux témoignages découverts attestent par ailleurs d’une vitalité de la magie, non seulement auprès des classes sociales les plus défavorisées pour qui elle aurait pu constituer une arme mais aussi pour l’ensemble de la société. La magie n’est pas, comme il a été parfois avancé, la voix des exclus. Elle a été celle des désespérés, de ceux qui ne trouvent plus de solutions dans les réponses apportées « institutionnellement ». À ce titre, elle devient une sorte de soupape de sécurité dans des sociétés où elle s’est vue marginalisée au profit de la religion, de la philosophie et des sciences. C’est aussi pour cela qu’il n’y a jamais eu durant l’Antiquité de véritables interdictions de ces pratiques mais plutôt des mesures visant à en limiter les excès.

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Une magie médicale et de protection

La magie gréco-romaine s’exprime essentiellement sous deux formes, relativement traditionnelles. La première est une magie médicale ou protectrice. Ainsi les éléments dits « simples » font partie de l’arsenal du magicien et la croyance aux vertus médicinales et magiques des plantes remonte aux origines de la civilisation. Il est déjà possible d’en trouver des témoignages chez les Crétois et les Mycéniens. À chaque partie de la plante correspondaient nombre de recettes et donc de pouvoirs. La racine est prisée, même s’il est aussi d’usage de fabriquer comme pour la pivoine avec les graines un emplâtre qui guérit les angines, purifie les plaies purulentes et cicatrise. Parfois, la graine est enveloppée dans un linge et portée sur le bas-ventre pour favoriser la conception. Mais ces mêmes plantes pouvaient aussi donner naissance à de terribles poisons qui alimenteront tant de fantasmes.