Le mot « paranoïa » vient des mots grecs « para » (« à côté ») et « nous » (« esprit ») : les Grecs appelaient « paranous » tous ceux qui semblaient avoir l’esprit dérangé. Au XIXe siècle, ce terme fait un retour en force chez les psychiatres allemands pour désigner un délire de grandeur ou de persécution. Émile Kraepelin le définit en 1904 comme un délire systématisé, distinct de celui des schizophrènes. Le paranoïaque, en effet, ne voit jamais d’éléphants roses : il perçoit les objets, les gens, les événements comme ils sont, mais il en donne une interprétation délirante.
Dans le DSM-IV américain comme dans la CIM-10 de l’OMS, la paranoïa est classée parmi les « troubles délirants » durables, « non bizarres », c’est-à-dire relatifs à des situations que l’on peut vraiment rencontrer, telles qu’être trompé. On distingue différents sous-types selon le domaine du délire : de persécution, le plus fréquent ; de jalousie ; érotomaniaque (le malade est persuadé d’être aimé par quelqu’un de son entourage, ou célèbre) ; mégalomaniaque (il se voit comme ayant mission de sauver l’humanité) ; hypocondriaque (il se croit atteint de toutes sortes de maux).
Les paranoïaques de ces divers sous-types présentent des caractéristiques communes. Leurs facultés intellectuelles restent intactes. Leur fonctionnement est normal en dehors du domaine de leur obsession, si bien qu’ils conservent souvent leur activité professionnelle. Leur délire est cohérent, leur raisonnement parfois plausible, et ils peuvent se montrer si persuasifs qu’ils convainquent d’autres personnes, notamment leur conjoint (on parle alors de « folie à deux »), et parfois toute leur famille. Voire toute une communauté : le gourou Jim Jones a réussi à entraîner la sienne, le Temple du peuple, dans la jungle du Guyana, et à persuader ses 914 membres que se suicider avec lui valait mieux que de retourner vivre dans un monde satanique…