Entretien avec Maria Melchior

Postcovid : animal triste

« Ah ! Si c’était un tremblement de terre ! Une bonne secousse et on n’en parle plus… on compte les morts, les vivants, et le tour est joué. Mais cette cochonnerie de maladie ! » (Albert Camus, La Peste).

Postcovid : animal triste - Les Grands Dossiers des sciences humaines n°76

© Nomadsoul1 / Dreamstime.com

Dès le début de la pandémie, les institutions de santé publique se sont inquiétées de son impact sur la santé mentale des individus. En avaient-elles anticipé l’ampleur ?

Les scientifiques s’attendaient à d’importantes répercussions psychologiques, car celles-ci avaient déjà été observées lors de précédentes épidémies comme le sras ou la grippe H5N1 en Asie. Nous savions également déjà que les quarantaines et les confinements pouvaient avoir des effets délétères sur la santé mentale. Dès le début de la pandémie, le recueil de données mis en place par Santé publique France (encadré ci-dessous) a montré une augmentation massive des symptômes d’anxiété et de dépression, deux fois plus élevés qu’en temps normal, avec en moyenne 26 % des individus touchés. Et ça n’avait rien de surprenant au regard du choc que nous étions en train de vivre : un virus létal totalement inconnu, qui se diffusait de manière exponentielle, associé à un confinement brutal et très strict, qui nous coupait de nos activités quotidiennes.

Certains semblaient principalement déstabilisés par la peur d’être contaminés, là où d’autres étaient mis à mal par les restrictions de liberté : qu’est-ce qui a eu les plus lourdes conséquences ?

Il est très difficile de faire la part des choses. Le moral des Français est globalement resté très bas durant deux ans, avec de légères fluctuations suivant la courbe des contaminations. Les études menées à l’échelle européenne 1 ont montré que le type de mesure sanitaire adopté n’avait guère changé la donne : les Danois allaient aussi mal que les Français, alors même qu’ils avaient été beaucoup moins confinés. Cela tient sans doute à la diversité des sources de stress que la pandémie a pu représenter : impossibilité de se projeter dans l’avenir parce qu’on ne sait pas combien de temps la crise va durer, peur de perdre son emploi ou ses moyens de subsistance, sans oublier les deuils parfois impossibles de ceux qui n’ont pas été autorisés à visiter leurs proches mourants ou à participer à leurs funérailles.

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Que faut-il penser de l’hypothèse immunopsychiatrique, selon laquelle l’infection de covid aurait elle-même été une cause de maladie mentale ?