L'histoire commence mal. A plusieurs reprises, entre les deux guerres, les Françaises se voient accorder le droit de vote par la Chambre des députés mais celle-ci est à chaque fois contredite par le Sénat. Il leur faut donc attendre le 21 avril 1944 pour enfin obtenir le droit de se rendre aux urnes et d'être élues. Bien après nombre de leurs consœurs européennes, notamment les Finlandaises (1906), les Danoises (1915), les Autrichiennes (1918), les Allemandes (1918), les Irlandaises (1918), les Luxembourgeoises (1919), les Hollandaises (1919), les Suédoises (1921), les Anglaises (1928) et les Espagnoles (1931). La France est donc l'un des derniers pays d'Europe à proclamer le suffrage universel, juste avant l'Italie, la Belgique, la Grèce, Chypre, la Suisse et le Liechtenstein.
Comment les Françaises ont-elles utilisé leur droit de vote ? Trois temps marquent leur parcours 1. Le premier est celui de l'apprentissage et dure jusqu'à la fin des années 1960. Les femmes s'abstiennent plus que les hommes et se prononcent moins souvent qu'eux en faveur des partis de gauche. Le deuxième temps est celui du décollage ; il intervient dans les années 1970. Les femmes se mettent à participer aux scrutins autant que les hommes et l'écart sur le vote de gauche diminue. Puis vient le temps de l'autonomie, à partir de 1986, date à laquelle elles soutiennent dans les mêmes proportions que les électeurs les candidats de gauche. Sans toutefois copier intégralement leurs choix : elles votent parfois plus à gauche qu'eux et, surtout, sont moins disposées à voter pour l'extrême droite. Lors des récentes élections régionales (2004), 12 % d'entre elles ont choisi des listes Front national/extrême droite contre 21 % des hommes (sondage Sofres). La population féminine française a donc évolué en harmonie avec celle d'une large part de l'Europe où les femmes n'ont plus grand-chose à voir avec les abstentionnistes et les conservatrices d'autrefois. Il n'en va pas de même pour ce qui concerne l'accès à l'éligibilité.
Les femmes et les hémicycles
Pendant longtemps, la France a occupé, pour ce qui concerne le nombre des femmes dans les assemblées élues, la position peu enviable d'avant-dernier de la classe au sein de l'Union européenne. Les débuts ont été difficiles et les progrès, pendant longtemps, quasiment inexistants. D'ailleurs, soixante ans après l'instauration du suffrage universel en France, les femmes sont toujours très peu représentées à l'Assemblée nationale et au Sénat malgré la loi sur la parité votée en 2000. Lors des débats qui ont accompagné le vote de cette loi, on a souvent entendu dire qu'il vaudrait mieux laisser les choses évoluer « naturellement ». Or que se passe-t-il lorsqu'on laisse les choses évoluer naturellement ? Cela donne 5,6 % de femmes dans l'Assemblée constituante élue le 21 octobre 1945 (3,5 % en 1951 à l'Assemblée nationale, 1,5 % en 1958) et 6,1 % après les élections législatives de 1993. La première ? très légère ? augmentation de ce pourcentage est observée en 1997 (10,9 % de députées) en raison d'une action volontariste de Lionel Jospin qui avait imposé au Parti socialiste de réserver 30 % des circonscriptions à des candidates (finalement il y en aura 28 %) 2.
Avec ce chiffre de 1997, la France demeure à l'avant-dernier rang des pays de l'Union européenne, juste avant la Grèce. Après les élections législatives de 2002, les Françaises représentent 12,3 % de l'Assemblée, ne devançant alors que les Italiennes (11,3 %). Les autres pays d'Europe sont, pour certains, bien loin devant nous pour ce qui concerne l'accès des femmes au statut de représentantes, jugées aptes à voter les lois. Il faut citer dans l'ordre décroissant la Suède (45 %), le Danemark (38 %), la Finlande (37,5 %), les Pays-Bas (37 %), l'Espagne (36 %), la Belgique (35 %), l'Autriche (34 %), l'Allemagne (32 %), le Portugal (19 %), le Royaume-Uni (18 %), le Luxembourg (17 %), la Grèce (14 %) et l'Irlande (13 %).