«La pédagogie coopérative c'est une panoplie de techniques» Trois questions à Philippe Meirieu

Pourquoi faire coopérer les élèves ? Quelle est la finalité des pédagogies coopératives ?

Dans l’histoire de la pédagogie, la coopération entre élèves prend sa source au sein de plusieurs courants. On la trouve promue, dès les 18e et 19e siècles, par les pédagogues libertaires comme Joseph Jacotot, Sébastien Faure et Paul Robin, par exemple. Pour eux, la coopération est, essentiellement, une subversion des rapports de pouvoir entre le « sujet-supposé-savoir » et les « individus-supposés-apprendre ». Ces rapports hiérarchiques préfigurant les rapports de domination au sein d’une société profondément injuste, il faut les faire disparaître dès l’école : J. Jacotot, S. Faure et P. Robin vont donc proposer de remplacer la classe par un coapprentissage permanent, où chacun et chacune fait profiter les autres de ce qu’il sait, et où tous chercheront ensemble ce que nul ne sait déjà. Mais ce projet va se heurter à deux difficultés majeures : d’une part, il requiert, pour être mis en œuvre, l’autorité d’un chef, chose pour le moins contradictoire avec l’idéal libertaire annoncé. D’autre part, il fait l’impasse sur le caractère essentiel et indépassable de la transmission… Ensuite, on va voir se développer la coopération dans le cadre de l’école républicaine, après la Première Guerre mondiale, sous l’impulsion de Barthélémy Profit : ce dernier promeut les coopératives scolaires, tout à la fois pour contribuer au meilleur fonctionnement matériel des écoles et pour développer l’idéal de solidarité entre les jeunes, mais aussi entre les générations. Petit à petit, il fera même de la coopérative le lieu privilégié de l’apprentissage des exigences de la vie en commun… Mais, le pédagogue qui a le mieux formalisé la pédagogie coopérative en l’associant totalement à la vie de l’école et à l’activité d’apprentissage, c’est évidemment Célestin Freinet. Ce dernier montre remarquablement, avant même que cela soit établi par les travaux de psychologie cognitive, le bénéfice d’apprentissage apporté par l’interaction entre pairs, dès lors qu’elle ne se réduit pas au bavardage ou au bricolage spontané.