La revanche de l'histoire

La Revanche de l’histoire, Bruno Tertais, Odile Jacob, 2017, 140 p., 18,90 €.

« Rarement le passé a été aussi présent », affirme Bruno Tertrais, géopoliticien de renom, en première ligne de cet essai bref et incisif. Nul ne se risquera à contester la pertinence historique de ce frappant oxymore, car il n’est au fond qu’une manière de nous introduire aux inquiétantes manifestations de nationalisme, d’impérialisme, de sécessionnisme ou d’irrédentisme qui, selon B. Tertrais, ne cessent de se multiplier de par le monde actuel. À l’encontre des prophéties décrétant, sinon la fin de l’histoire, du moins son apaisement par victoire annoncée de la démocratie libérale, de l’économie de marché et de la mondialisation des arbitrages, l’actualité politique que nous invite à regarder B. Tertrais offre un tout autre spectacle. Montée des nationalismes en Europe et en Asie, guerres civiles et religieuses en Islam, fondamentalisme en Inde, populisme en Amérique, passions identitaires partout, alimentent de nouvelles menaces de conflits. Si l’histoire est concernée, c’est qu’elle en est le prétexte universel : lieux de fondation, batailles gagnées ou perdues, humiliations et victoires, souvenirs d’empires et d’ambitions perdues, patrimoines captés et traditions providentielles servent de carburant à ces agitations funestes. Le cas récent des Balkans en est l’exemple même : à grandes enjambées dans histoire antique, médiévale, moderne et récente, ces nations et communautés divisées par des guerres encore fraîches se disputent des frontières, des populations et des cultures, tout en s’accusant mutuellement de mille maux. Ces usages politiques du passé sont-ils inédits ? Pas vraiment, dira-t-on, mais en mettant le doigt sur leur résurgence, B. Tertrais entend dénoncer une perte : celle de la confiance en un avenir meilleur. Cette histoire qui n’est faite que de regrets, de remords et de contentieux n’en est, au fond, que la caricature, et sa revanche ressemble plutôt à la défaite de l’historien. Les passions historiennes et les romans nationaux servent surtout à légitimer les guerres : un message méditer, en France comme ailleurs.