La révolution du genre

Trans, fluides, queers, non-binaires… De plus en plus de Français, notamment parmi les plus jeunes, revendiquent une identité de genre autre que celle d’homme ou de femme. Comment expliquer ce phénomène ?

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Un peu homme, un peu femme, tantôt l’un tantôt l’autre, homme dans un corps de femme, femme dans un corps d’homme, ni homme ni femme… De plus en plus de jeunes disent ne pas se reconnaître dans les catégories traditionnelles hommes/femmes. Ils sont 22 % dans ce cas parmi les 18-30 ans, selon un sondage réalisé par l’Ifop en 2020 1. Pangenre, genre fluide, non-binaire, trans, queers (mots-clés)…, les nouvelles identités se multiplient et gagnent en reconnaissance. Récemment, la décision du dictionnaire Le Robert d’intégrer les pronoms « iel » et « iels » dans sa version en ligne a été très commentée, tout comme l’instauration d’une troisième case de sexe (neutre ou x) sur la carte d’identité dans plusieurs pays, comme l’Australie, les États-Unis, le Canada, l’Inde ou encore l’Allemagne. Que révèlent ces revendications ? Simple effet de mode chez des adolescents en perte de repères ou levée d’un tabou millénaire sur la transidentité ?

Deviens qui tu es

Ces questions s’intègrent d’abord dans une interrogation plus générale sur l’identité, dans un contexte où celle-ci n’est plus vécue comme une assignation à la naissance. Aujourd’hui, à la question « quel homme (ou quelle femme) suis-je ? » se substitue pour chacun un problème complexe : « qui suis-je réellement ? ». Est-ce que je me sens homme ou femme, un peu des deux, voire ni l’un ni l’autre ? « L’identité n’est plus un état, mais une quête. C’est devenu un phénomène fluctuant. Les adolescents passent d’une identité à une autre », affirme le psychiatre Serge Hefez, auteur de Transitions. Réinventer le genre (2020). Pour le sociologue David Le Breton, le corps est aujourd’hui le premier support d’expression de soi. « La libre disposition de soi incite à rompre avec les contraintes intérieures ou sociales et à libérer son désir, à expérimenter d’autres manières d’être… Le genre devient le fait d’une décision propre et d’une représentation sur la scène sociale 2», écrit-il.