La tradition veut que l’on appelle « révolution industrielle » les mutations qu’ont connues des économies et des sociétés de l’Europe de l’Ouest et des États-Unis entre 1750 et 1880. L’expression était déjà banale dans la première moitié du XIXe siècle. Elle soulignait alors l’opposition entre la France, qui avait fait sa révolution politique, et la Grande-Bretagne, qui aurait au même moment révolutionné son industrie avec l’emploi des machines.
Les auteurs plus récents préfèrent évoquer une « première industrialisation », cette dénomination soulignant que l’on verrait ici un processus en cours d’accomplissement. L’industrialisation n’est pas l’apparition de la production manufacturière, mais son développement dans les formes technologiques et organisationnelles contemporaines. D’autres auteurs abordent la question en s’interrogeant sur le développement de l’économie de marché, de moins en moins soucieuse de préoccupations sociales et politiques. Finalement, l’approche la plus extensive insiste sur l’inégalité de niveau de développement qui s’approfondit au cours de cette période entre les pays occidentaux et d’autres régions du monde. Ainsi de certaines régions de la Chine ou du Japon, voire de l’Inde, qui, peut-être, jusqu’au XVIIIe siècle, ont joui d’un niveau comparable de développement. S’ensuit une expansion des pays de peuplement européen, dans un processus d’internationalisation amorcé dès le XVIe siècle, qui fait que l’Europe atteint au début du XXe siècle son poids le plus grand dans le monde, démographiquement, économiquement et culturellement.
Révolution technologique…
Les contemporains ont été frappés par les effets sociaux de la mécanisation. Rapide en Grande-Bretagne entre 1790 et 1815 lorsque les guerres raréfient la main-d’œuvre, elle prive ensuite de travail les tisserands à bras et crée des surcapacités de production alors que le dynamisme démographique, l’immigration irlandaise et les enclosures multiplient la main-d’œuvre sans travail. Arnold Toynbee, oncle du célèbre historien homonyme, se demande encore en 1882 si le machinisme n’a pas eu pour conséquence une catastrophe sociale.