La révolution scientifique

Steven Shapin, Flammarion, 1998, 262 p., 135 F.

«La Révolution scientifique n'a jamais existé et pourtant ce livre lui est consacré.» Ainsi commence l'ouvrage par lequel Steven Shapin, sociologue et historien des sciences, réexamine l'une des notions les plus assurées de l'histoire de la modernité.

Avec les lois de Kepler, la mécanique de Galilée, la découverte du système de la circulation sanguine par Harvey, la géométrie de Descartes, le microscope d'Anton Leeuwenhoek et, par dessus le tout, les lois de la gravitation universelles par Newton, le xviie siècle n'est-il pas le moment inaugural de la science moderne, mathématique et expérimentale ? N'est-il pas aussi celui où l'esprit humain, enfin libéré des contraintes de la religion, bascule dans l'ère de la raison et du libre examen ?

Dans cet ouvrage court, efficace, écrit pour un public intéressé, mais non spécialiste, Steven Shapin entend montrer que s'il y eut innovation, il n'y eut pas pour autant de révolution. Une révolution, au sens historique du terme, est un «grand chambardement», une remise en cause globale des sources de la légitimité ancienne, et leur remplacement par un nouveau modèle. Or, selon Shapin, même si certains savants du xviie siècle ont effectivement vécu leur époque comme celle d'un affrontement entre les «anciens» et les «modernes», aucun d'entre eux n'eut conscience d'appartenir à un front uni autour d'une idéologie ou d'un système de pensée nouveau qu'on appellerait «science».

Si l'on s'interroge sur les principaux points qui fondent en histoire classique l'idée d'une révolution épistémologique au xviie siècle on trouve : le développement d'une vision mécanique des phénomènes de la nature, le recours croissant à l'expérience contrôlée, le développement de la prise systématique de mesures, la mathématisation des sciences physiques, le dépassement des limites de la perception ordinaire (avec le télescope et le miscroscope), et, plus généralement encore, le triomphe d'une philosophie déterministe des phénomènes naturels en même temps, d'ailleurs, que s'affirme une vision de l'univers comme infini. Selon Shapin, tous ces éléments de nouveauté peuvent être vrais : il ne forment pas pour autant un système de pensée autonome.