La mondialisation a lancé un défi à la sociologie, discipline qui s’est largement développée dans un cadre national (en France, aux États-Unis et en Allemagne en particulier). Le plus souvent, il était implicitement admis que les phénomènes sociaux ne prenaient pleinement sens qu’à l’intérieur des frontières étatiques (ce qui n’interdisait pas la comparaison). Les transformations de tous ordres engendrées par la globalisation ont amené un certain nombre de chercheurs à tenter de dépasser ce que le sociologue allemand Ulrich Beck a qualifié de « nationalisme méthodologique » (1). On peut distinguer deux grandes tendances.
La première, qui prend souvent la forme d’essais spéculatifs, insiste sur la dissolution des structures nationales que la sociologie classique avait décrite. Le sociologue français Alain Touraine a récemment diagnostiqué le déclin du « paradigme social », c’est-à-dire du langage qui nous servait à décrire les sociétés industrielles modernes : « État providence », « classes sociales », « inégalités » et « redistribution »... Selon lui, c’est l’idée même de « société » que la mondialisation met à bas. Il propose donc Un nouveau paradigme (Fayard, 2005), où l’individu (sujet en langage tourainien) affronte les « forces impersonnelles » que sont le marché, la guerre et la violence. Le sociologue anglais John Urry propose de la même manière d’oublier les concepts traditionnels de la sociologie pour s’intéresser aux « mobilités » engendrées par la mondialisation, entendant par là les mouvements humains, les flux d’information, les transformations du rapport au temps et à l’espace qui transforment nos appartenances (2).
(1) Ulrich Beck, , Aubier, 2006.(2) John Urry, , Armand Colin, 2005.(3) Zygmunt Bauman, , Seuil, 2007.(4) Yves Dezalay (coord.), « Sociologie de la mondialisation », , n° 151-152, 2004.(5) Nicolas Guilhot, , Columbia University Press, 2005.(6) Anne-Catherine Wagner, , La Découverte, coll. « Repères », 2007.(7) Saskia Sassen, , Princeton University Press, 2006.(8) Michel Wieviorka, , Robert Laffont, 2008.