La sociologie française s'organise

Voilà maintenant quelques années que la jeune sociologie française a pris son essor. Auguste Comte avait posé les jalons de la jeune science sociale et inventé le mot « sociologie » dès 1848. Mais il faut attendre la fin du xixe siècle pour que la discipline prenne vraiment corps.

En France, trois prétendants se disputent l'hégémonie intellectuelle sur la discipline naissante : Gabriel Tarde (1843-1904), René Worms (1867-1926) et Emile Durkheim (1858-1917).

Gabriel Tarde et René Worms

Gabriel Tarde, alors le plus connu des trois, a acquis une audience internationale, et ses livres, dont Les Lois de l'imitation (1890) et L'Opinion et la Foule (1901), sont des succès éditoriaux. Mais c'est un personnage solitaire qui n'a pas constitué d'école. Lorsqu'il décède, en 1903, personne n'est là pour défendre et prolonger son oeuvre. René Worms, aujourd'hui totalement oublié, est, en ce début de siècle, l'étoile montante de la sociologie. Brillant normalien, auteur de Organisme et société (1896), il a démontré des ta-lents d'organisateur peu communs. En 1893, il crée la Revue internationale de sociologie, l'année suivante, il fonde un Institut international de sociologie, qui tient des congrès annuels. Il crée aussi une collection d'ouvrages, et dépose les statuts d'une Société sociologique de Paris. Mais cette activité tous azimuts, bien qu'elle mette en lien des intellectuels venus de plusieurs horizons et plusieurs disciplines, cache une absence de cohérence intellectuelle. R. Worms est au coeur d'un réseau, mais ne vise pas à son unification intellectuelle. Et c'est sa faiblesse. Reste Emile Durkheim...