Le capitalisme à la chinoise

La Chine a développé progressivement un capitalisme spécifique, dans lequel l’État reste omniprésent.

17279641640_CAPITALISME_CHINE_TW.webp

Lorsque Deng Xiaoping arrive au pouvoir en 1978, Mao est mort depuis deux ans et la population souffre d’une grande pauvreté. Malgré la croissance économique qu’a connue la Chine depuis 1949, le système économique semble exsangue. Deng comprend que pour maintenir le système politique et la suprématie du Parti communiste (PC), il faut changer les règles de fonctionnement de l’économie, après trente ans de planification centrale. Cet avis n’est pas partagé par tous les membres du Bureau central du PC et les réformes doivent donc être menées de façon graduelle, afin de limiter les oppositions politiques. Elles se feront souvent sur la base de l’expérimentation, étendant progressivement à l’ensemble du territoire ce qui a été un succès dans un espace d’abord limité.

L’émergence des marchés

Les premières réformes entérinent les expériences tentées dans les provinces du Sichuan et de l’Anhui, attribuant des terres à des ménages individuels et les autorisant à vendre sur des marchés la production allant au-delà des quotas qui doivent être fournis au gouvernement à des prix administrés. Le passage des communes populaires au système de « responsabilité des ménages » se généralise au milieu des années 1980. Cette opportunité de gains supplémentaires est une forte incitation à produire plus et plus efficacement. Cette réforme a permis l’émergence des marchés. En effet, l’État achète toujours une partie de la production agricole mais les agriculteurs peuvent vendre le surplus sur des marchés. C’est ainsi que se crée un « système à double voie », avec des prix administrés et des prix de marché, les premiers perdant progressivement de l’importance au profit des seconds.

La hausse de la productivité libère de la main-d’œuvre qui quitte l’agriculture pour l’industrie. L’économie chinoise se développe alors en dehors du plan, essentiellement grâce à deux mécanismes : la segmentation de la société entre ruraux et urbains et l’instauration de la concurrence. Le hukou, instauré en 1958, est une sorte de passeport intérieur indiquant le statut d’urbain ou de rural, et permettant de contrôler les mouvements de population puisque la migration vers une ville d’une personne ayant un statut de rural n’est pas autorisée. On voit ainsi se créer une industrialisation rurale grâce aux « entreprises de bourgs et de villages ». Ce sont des entreprises collectives qui fonctionnent sur le principe de la concurrence et de la recherche de profit.

La réallocation des activités capitalistiques (investissements dans l’industrie lourde sous Mao) vers les activités intensives en main-d’œuvre, des entreprises d’État vers des entreprises collectives ou privées, et de l’agriculture vers l’industrie, permet l’amélioration de la productivité des facteurs de production. L’ouverture sur l’étranger se développe à partir de 1979 et l’autorisation donnée à des firmes étrangères d’investir en Chine permet à celle-ci de transférer de la technologie. Le commerce international se développe, grâce à l’exploitation d’un avantage comparatif reposant sur une main-d’œuvre abondante et bon marché. Il est, pendant de nombreuses années, essentiellement le fait des firmes étrangères, majoritairement d’origine asiatique et bénéficiant souvent de financement de la diaspora chinoise. C’est surtout à partir de 1992 que cette ouverture est notable, après le voyage de Deng Xiaoping dans le Sud, confirmant la poursuite des réformes et rassurant les investisseurs après la stagnation qui a suivi les événements de Tian’anmen.