Comment est-il apparu ?
Le déveleloppement durable est aujourd’hui la référence d’un grand nombre de politiques publiques et de la coopération internationale. Si le concept est ancien, il s’est imposé récemment sur la scène internationale. Juste après la Seconde Guerre mondiale, le grand mot d’ordre est le « développement », entendu comme développement économique, c’est-à-dire accroissement de la production de richesses. Pour des raisons à la fois stratégiques, dans le contexte de la guerre froide, mais aussi commerciales (s’ouvrir de nouveaux marchés) et morales (lutter contre la misère), les pays riches se donnent pour objectif de sortir les pays pauvres du « sous-développement » par une aide technique et financière.
Pourtant, dès les années 1970, le modèle de croissance productiviste mis en place après la guerre connaît des ratés : montée du chômage, crise de l’énergie, premiers accidents industriels graves. L’environnement commence à devenir une préoccupation des pays développés, d’autant que la croissance démographique des plus pauvres les alarme. Personne ne sait qu’elle se trouve alors à son apogée et que tous les pays du monde s’engagent dans la transition démographique. En 1971 naissent deux des plus importantes ONG environnementales actuelles, Greenpeace et le WWF (World Wide Fund). Et le géographe Pierre George (décédé en 2006) publie un petit « Que sais-je » prémonitoire, L’Environnement, dans lequel il souligne qu’« en économie de marché, si l’on veut défendre l’environnement, il faut le transformer en marchandise ». Il y écrit aussi que « pour entraîner les masses à la croisade, il faut les terrifier ». Rien de nouveau sous le soleil, comme on peut le constater…
En 1972 paraît le célèbre rapport du Club de Rome, « The limits to Growth » (qui sera traduit, de façon péremptoire, « Halte à la croissance », en français). Ce document, produit par le prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) sous la direction de Dennis Meadows, s’appuie sur une des premières simulations par ordinateur d’un modèle d’« écosystème mondial », qui prend en compte cinq paramètres : la croissance de la population, l’industrialisation, l’utilisation des ressources naturelles non renouvelables, la production alimentaire, la pollution. Sur la base de projections partant des connaissances de l’époque, il annonce l’épuisement des réserves mondiales de pétrole pour 1992, celles de gaz en 1994. Et exhorte les pays développés à revoir leur modèle de croissance productiviste. La même année, est créé le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). A cette époque, on parle encore d’« écodéveloppement », un terme popularisé par l’économiste Ignacy Sachs, c'est-à-dire d’un développement utilisant au mieux les ressources naturelles sans détruire l’environnement.
Le terme de développement « soutenable » (néologisme provenant du mot anglais sustainable) apparaît officiellement en 1980 dans un document intitulé « La Stratégie de la conservation mondiale », dont le sous-titre est « La conservation des ressources vivantes au service du développement durable ». Il est produit par trois organismes axés sur l’environnement : le Pnue, l’UICN (Union internationale de conservation de la nature) et le WWF. En 1987, un rapport des Nations unies, « Notre avenir à tous », dit rapport Brundtland du nom de la ministre norvégienne à qui il a été commandé, institutionnalise ce terme de développement durable pour prôner une croissance économique soucieuse à la fois d’équité sociale et de respect de l’environnement. Sa définition est restée célèbre : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »
Mais le véritable sacre du développement durable a lieu en juin 1992 : c’est le Sommet mondial de la Terre à Rio de Janeiro, au Brésil. A l’initiative des Nations unies, il réunit non seulement les acteurs de la diplomatie traditionnelle – plus de 150 chefs d’Etat et de gouvernement, y compris ceux des pays de l’Est –, mais aussi les nouveaux acteurs internationaux de la mondialisation : les grandes entreprises d’une part, des milliers d’ONG du Nord et du Sud d’autre part, dont l’utilisation nouvelle d’Internet permet désormais de fédérer l’action. Le Sommet de la Terre s’achève par l’adoption solennelle d’une « stratégie globale pour le développement durable », que chaque Etat est appelé à décliner sur son territoire. C’est l’Agenda 21 (21 pour XXIe siècle), un recueil de recommandations qui constitue depuis cette date le texte de référence de la communauté internationale et est mis en application par les collectivités locales sous la forme d’agendas 21 locaux.