La naissance de l’économie politique au 18e siècle est concomitante de l’apparition de la notion de manipulation dans le dictionnaire (1767), même si la notion n’est jamais évoquée en tant que telle dans les écrits des pères fondateurs (Adam Smith, John Stuart Mill et Jeremy Bentham). Elle n’apparaît que de façon métaphorique, notamment par la figure de la main invisible. Symétrique inversé du Léviathan de Thomas Hobbes en philosophie, cette main est censée veiller à l’autorégulation du marché. A. Smith postule que les actions individuelles des acteurs du marché sont toutes guidées par l’intérêt personnel de chacun mais contribuent en fait à la richesse de tous, à l’harmonie sociale et au bien commun. Mais quelle est donc cette main invisible qui permet de réguler les intérêts et les équilibres économiques ? On peut tour à tour la comprendre comme une force qui transmue l’intérêt de chacun en intérêt général, comme un levier permettant de créer un avantage mutuel dans tout échange marchand, ou encore comme une puissance providentielle à l’image d’un dieu veillant au marché. Cette main exprime bien le fait que le marché résulte d’une multitude d’interactions individuelles qui s’équilibrent mutuellement, sans que l’État puisse agir autrement qu’à la marge. La main invisible ne préfigure donc pas de pratiques manipulatoires entre des acteurs du marché.