Le paradis, c'est les autres Entretien avec Matthieu Ricard

Pour Matthieu Ricard, 
l’attention bienveillante aux autres 
est une nécessité dans le monde contemporain. Elle est aussi 
une puissante source de bien-être…

Après une thèse en génétique cellulaire à l’institut Pasteur, sous la direction de François Jacob dans les années 1970, ce fils d’académicien s’installe en Inde pour se consacrer à l’étude et à la pratique du bouddhisme. Œuvrant à la préservation de l’héritage culturel et spirituel du Tibet, devenu interprète du dalaï-lama, aujourd’hui à la tête d’une importante organisation humanitaire auprès des populations himalayennes, Matthieu Ricard a renoué avec le monde scientifique, en prenant notamment part aux recherches en neurosciences catalysées par l’institut Mind of Life (fondé par le neurobiologiste Francisco Varela).

Quelles sont pour vous les relations entre altruisme et bonheur ?

Diverses études ont permis d’observer de fortes corrélations entre les pratiques altruistes et le bien-être des individus. Elles montrent que le fait de pouvoir aider les autres va de pair avec un niveau élevé de bien-être. Les personnes qui font du bénévolat semblent plus heureuses, en meilleure santé, vivent plus longtemps… Mais on sait bien qu’il ne faut pas confondre cause et corrélation. Est-ce parce qu’on est plus heureux que l’on devient plus altruiste (on donne plus volontiers une pièce à quelqu’un si on est de bonne humeur par exemple) ou l’inverse ?

Il y a cependant pour moi un lien fondamental entre altruisme et bonheur. L’argument qui revient souvent est que l’on agit de manière altruiste pour se faire du bien, dans une quête égoïste en quelque sorte. Or, ce bonheur personnel est un effet secondaire qui arrive « de surcroît ». Tout comme le paysan qui cultive du blé pour nourrir sa famille récolte en prime de la paille pour son bétail…