Un pavillon à Noisy-le-Sec, un batteur de jazz y fêtant ses 40 ans. Ambiance décontractée. Un lecteur MP3 branché sur un gros ampli basse diffuse une musique électronique assez minimale. Tout d’un coup surgissent d’on ne sait où deux jeunes rappeurs : l’un est beur et banlieusard, l’autre black et béninois, de passage à Paris. Ils se sont rencontrés lors d’une soirée précédente. Bien que vivant sous des cieux éloignés, ils sont vêtus de manière similaire : T-shirt XXL, baskets, casquette à l’envers pour l’un, lunettes intellos pour l’autre. Ils débarquent et, tout de suite, créent un spectacle, se mettent à improviser un slam sur les 40 ans de l’hôte. L’artiste à casquette se lance : diction hyperrapide, ralentissements, bruitages, pas de danse genre moonwalk – le tout incroyablement pro. Le second va et vient, tourne autour du premier, commente, ponctue avec les mains, et répète le dernier mot de chaque strophe. Voilà un spectacle saisissant : la salle à manger est devenue soudainement espace de concert. Et le rap, musique globalisée, permet à deux individus qui se connaissent à peine de fabriquer instantanément de la musique, avec moins que rien comme matériel.
• • Christian Béthune, Klincksieck, 2004.• Régis Meyran,Le rap à la conquête du monde
Comment le rap s’est-il imposé ? un exemple d’anthropologie globale.