Le rap, un genre élitiste ?

Malgré son intitulé suave, le rap* (rhythm and poetry, soit « rythme et poésie ») reste, aux yeux des grands médias, « le fond sonore des banlieues », quand ce n’est pas le porte-parole des voyous des cités. En France, dans les années 1980, il est produit de manière indépendante dans les friches des banlieues pauvres parisiennes et marseillaises. Il ne se développe commercialement que dans les années 1990, grâce à l’appui de radios comme Skyrock et de télévisions comme M6 (qui passent des clips et produisent des émissions). Les industries du disque promeuvent un petit nombre de rappeurs un peu plus cool que le hardcore des banlieues. Cette décennie a beau être celle de la transformation d’un genre musical autonome en un genre plus industriel, le rap reste cependant en bonne partie attaché à son image sociale. Dans les années 2000, d’ailleurs, fleurissent des labels indépendants qui défendent un rap « pur », dont les textes rugueux continuent de soulever des controverses, parfois même attirent les foudres de la justice sur leurs auteurs.

Rappeurs et publics

En fait, le public du rap est beaucoup plus large et divers qu’on l’imagine : la part des consommateurs de rap est à peu près la même dans les couches supérieures, moyennes et pauvres de la société. Du côté des rappeurs, on constate que tous ne proviennent pas des milieux les plus défavorisés : le groupe 1.9.9.5 se définit comme « de classe moyenne », le père de Ménélik était journaliste et diplomate, la mère de Diam’s organisatrice de concerts, Roquin’Squat (groupe Assassin) est le fils de l’acteur Jean-Pierre Cassel, et Mosey est le nom de scène d’un certain Pierre Sarkozy. Même issus des banlieues difficiles, beaucoup de rappeurs ont fréquenté les bancs de l’université, et on compte parmi eux quelques ex-enseignants.