Le régime, quête de soi ou quête de l'autre

« J’ai jamais eu de problème (de séduction) même en ayant des kilos en trop (…), mais…, là je m’estime, je m’estime quoi, mon image n’est pas du tout la même de ce que j’avais avant », raconte cette jeune femme après son régime.
La lutte victorieuse contre les kilos superflus a été pour elle une façon de rehausser son estime de soi. Ce témoignage a été recueilli par Matthieu Duboys de Labarre, auteur d’une étude sociologue sur le « Souci diététique et l’individualisme contemporain » (1).
Si le recours au régime amaigrissant est bien l’expression d’une forme de narcissisme, il implique un travail sur soi très exigeant. Il invite aussi la personne à mieux se connaître pour mieux se maîtriser. « Le management corporel que nécessite le régime (…) demande un véritable travail réflexif qui se déroule dans le long terme et débouche sur une meilleure connaissance de soi. » Certaines femmes recourent à la prise de note pour identifier ce qui est bon ou mauvais pour elles ou analysent leur héritage familial.
L’échec répété des tentatives pour maigrir peut a contrario conduire à un sentiment de culpabilité. Le souci du corps exprime aussi une vision morale : celle de « la bonne tenue de l’âme », pour reprendre les termes de Michel Foucault. M. Duboys de Labarre explique : « Dans les discours, le gros est un faible qui ne sait pas résister à ses sens. Il n’est pas capable de maîtriser son alimentation et ne mérite donc pas qu’on l’aime. » Le régime, quête de soi ou quête de l’autre ?

(1) Matthieu Duboys de Labarre, « Souci diététique et individualisme contemporain : narcissisme, pouvoir et subjectivité », XVIIe Congrès de l’AISLF, Tours, juillet 2004.