Il importe de distinguer deux dimensions différentes de ce phénomène : l'une est propre au champ des sciences humaines, l'autre le déborde et prend une signification sociale et politique (la vague de « l'individu-roi » et du libéralisme). Seule la première dimension nous intéresse, même si les deux sont parfois liées et si l'amalgame a souvent été pratiqué par ceux qui voulaient utiliser l'une pour appuyer l'autre.
Le premier grand débat a lieu en sociologie. Plusieurs signes semblent indiquer un changement de perspective. En 1982, Raymond Boudon et François Bourricaud publient un Dictionnaire critique de la sociologie qui apparaît aux contemporains comme une machine de guerre contre le structuralisme et le marxisme. Les auteurs tentent d'y imposer le paradigme de « l'individualisme méthodologique » en sociologie, contre le structuralisme dominant incarné par Pierre Bourdieu. « Certains sociologues partent du postulat selon lequel l'individu, étant le produit des structures sociales, peut être négligé dans l'analyse. » R. Boudon affirme que la démarche de la sociologie doit s'appuyer sur le principe de « l'individualisme méthodologique » qu'il attribue à Max Weber, Alexis de Tocqueville et bien d'autres auteurs classiques. « Pour expliquer un phénomène social quelconque, il est indispensable de reconstruire les motivations des individus concernés, et d'appréhender ce phénomène comme le résultat de l'agrégation des comportements individuels dictés par ces motivations ». Cette approche est en concordance avec d'autres approches microsociologiques qui se développent à l'époque, comme « l'ethnométhodologie », un courant américain promu par Harold Garkinkel et Aaron Cicourel, et qui invite à étudier de près les stratégies des acteurs qui « créent le social ».