Le retour de la piraterie

Prise d’otages, trafic d’armes et de drogues…, la nouvelle piraterie maritime, apparue dans le contexte de la mondialisation naît de la prolifération de réseaux mafieux dans les États les plus pauvres de la planète.

Dans le golfe d’Aden, le détroit de Bâb El-Mandeb est l’un des lieux de passage les plus importants des routes maritimes mondiales : près de 20 % des pétroliers et des porte-conteneurs passent par ce détroit. Sur les rives du golfe se situent deux des principaux « failed States » de la planète, la Somalie au sud et le Yémen au nord. Ces deux espaces sont en lien avec des villes importantes capables de gérer l’argent des entreprises informelles de piraterie et de ses principales activités : prise en otage des équipages, échanges de rançons, détournements de navires et de leurs cargaisons – là aussi échangés contre des rançons. Dubaï et Nairobi sont intégrés à ce trafic financier de blanchiment financier. Telle est la situation en ce début du XXIe siècle, où l’on assiste à un renouveau de la piraterie maritime.

Ainsi, le 4 avril 2008, le navire de luxe français Le Ponant est détourné au large de la Somalie ; en septembre 2008, le cargo MV Faina contenant plusieurs dizaines de tonnes d’armes est capturé par les pirates somaliens ; le 18 novembre 2009, le supertanker Sirius Star (318 000 tonnes, plus de 300 mètres de long) est lui aussi détourné. Et la liste pourrait continuer ainsi longtemps…

 

La piraterie maritime se comprend à terre

Ce renouveau s’inscrit dans une perspective d’ensemble : il y a piraterie sur les routes maritimes de la mondialisation, dans des lieux qui concentrent certains des États effondrés actuels, et qui s’inscrivent dans les espaces où se développent les formes mafieuses de la globalisation.

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Aujourd’hui, la Somalie n’existe que sur les cartes. Le pays est divisé en trois ou quatre entités politiques séparées. Au nord-ouest, le Somaliland est indépendant depuis 1991 (cette indépendance n’est bien sûr pas reconnue officiellement) : 3,5 millions d’habitants pour 150 000 kilomètres carrés environ, soit environ un quart du territoire de la Somalie. Au nord, le Puntland, région plus floue que le Somaliland – mais qui a déclaré son indépendance en 1998 malgré tout : 250 000 kilomètres carrés pour 3,5 millions d’habitants également. Le Somaliland et le Puntland possèdent un gouvernement, une monnaie, un drapeau, une capitale – le tout non reconnu par la communauté internationale… mais n’en existant pas moins. À l’extrême sud, la région de Mogadiscio, la seule région que le gouvernement somalien contrôle réellement. Entre la capitale Mogadiscio et le Puntland, une région floue, le Galmudug, contrôlée par quelques grands seigneurs de la guerre. C’est sur cette situation de failed State – que l’on peut transposer en partie au Yémen ou, à un moindre degré, encore dans le nord de l’Indonésie – que prolifèrent les bases arrières terrestres des entreprises de piraterie.

Le golfe d’Aden est aujourd’hui le principal lieu de la piraterie avec plus de 217 attaques en 2009 sur un total de 406. Vient ensuite le golfe de Guinée (28 incidents pour les seules mers nationales du Nigeria). Les attaques dans les mers du Sud-Est asiatique sont en baisse constante depuis quatre ans (15 attaques dans le détroit de Malacca en 2009, 13 en mer de Chine). Le quatrième lieu de la piraterie reste les Caraïbes et les mers autour du détroit de Panama avec 37 attaques en 2009 (dont 12 dans les seules eaux territoriales du Pérou à la sortie du canal).