Le retour en grâce du par cœur

Bête et méchant, l’apprentissage par cœur ? Dévalorisé dans les années 1970, ce mal aimé revient au goût du jour, sous l’influence des sciences cognitives.

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Sur le terrain de l’éducation, les neurosciences ont le vent en poupe. Pour preuve, Jean-Michel Blanquer a choisi Stanislas Dehaene, spécialiste des sciences cognitives et professeur au Collège de France, pour présider le conseil scientifique de l’Éducation nationale, chargé de guider la politique éducative. Le ministre affirme ne pas croire « que les sciences cognitives représentent l’alpha et l’oméga de l’éducation. Mais elles nous apportent incontestablement quelque chose d’important et ce serait fou de ne pas s’y intéresser 1 ». Paradoxalement, cette approche en vogue redonne ses lettres de noblesse à une pratique ancestrale : l’apprentissage par cœur. J.M. Blanquer la recommande aux enseignants, en particulier pour les tables d’addition au primaire. Une démarche qui se réfère à la plasticité importante du cerveau du jeune enfant.

Cette méthode reste sujette à polémiques, pour son aspect mécanique, répétitif et passif. Prisée pendant des siècles, elle conduisait à mémoriser quantité de données durant la scolarité. Olivier Maulini, chercheur en sciences de l’éducation à l’université de Genève, souligne ainsi : « La comparaison des programmes scolaires est à ce titre édifiante, puisque ceux du début du 20e siècle demandaient par exemple aux élèves de connaître les 30 cours d’eau principaux de leur pays, ceux des années 1950 plus qu’une dizaine mais complétés des concepts hydrographiques d’“affluent”, “rive droite”, “rive gauche”, “amont” et “aval”, là où ceux d’aujourd’hui visent une compétence élargie et non duplicable du type “étudier les caractéristiques naturelles d’un territoire” en “s’appropriant un vocabulaire et des notions spécifiques” 2. »