Le care, c’est l’activité du soin donné à autrui : changer la couche d’une personne dépendante, lui donner son repas, se préoccuper de son espace vital, de son bien-être. Ce travail ne peut se concevoir en dehors d’une attitude bienveillante. « Nous aimons les personnes âgées », affirment en chœur les femmes de ménage, aides-soignantes et autres travailleuses interrogées par la psychologue Pascale Molinier dans une maison de retraite au personnel exclusivement féminin. Ses réflexions portent sur la place de celles qui font « le sale boulot », mais que l’on n’entend pas, car leur point de vue n’est pas écouté. Ainsi, elle relate le cas de cette auxiliaire licenciée sous le prétexte qu’elle a réveillé la libido d’un résident en l’appelant « mon chéri ». On lui reproche un manque de distance professionnelle. Après son départ, le vieillard émoustillé est redevenu calme. De nouveau, il tourne en rond, comme d’habitude, parfaite image des rapports entre professionnelles du care et cadres de cette institution. Pour sortir de cette triste impasse, P. Molinier en appelle à un changement de paradigme : une société où le care serait au centre des préoccupations de tous et non plus refourgué aux moins diplômés. Elle imagine une organisation du travail moins verticale, moins spécialisée, plus collective, basée sur une confiance et concertation réciproque, un système qui encouragerait les idées novatrices. À l’appui de ce plaidoyer engagé, l’auteure analyse finement le fossé grandissant entre ceux qui font le travail de soin et ceux qui le pensent. L’émergence d’une telle « société du care » n’en paraît qu’encore plus lointaine…
Le travail du care
Le travail du care . Pascale Molinier, La Dispute, 2013, 222 p., 16 €.