Entretien avec Marie-Christine Hardy-Baylé

Le travail psychiatrique en réseau

Selon Marie-Christine Hardy-Baylé, la psychiatrie ne peut prendre seule en charge la souffrance psychologique. Pour élaborer le projet de soins d'un patient, elle doit collaborer avec d'autres professionnels, médecins généralistes, psychologues et travailleurs sociaux.

Sciences Humaines : On assiste depuis quelques années à l'explosion de la « demande psy ». Comment la psychiatrie est-elle concernée ?

Marie-Christine Hardy-Baylé : Ce phénomène soulève différentes questions. De qui provient la demande ? Quel est l'objet de la demande réelle ? Cette explosion concerne-t-elle la maladie mentale, ou la souffrance psychique (ou les deux combinées) ? La souffrance sociale ? La psychiatrie a acquis suffisamment de connaissances et a suffisamment d'outils thérapeutiques à ce jour pour reconnaître plus facilement les troubles mentaux authentiques.

De plus, elle a inscrit dans ses missions la nécessité de répondre à des situations aux confins de la maladie et de la souffrance psychologique, c'est-à-dire de prendre en charge les situations induisant une vulnérabilité face au trouble mental. En élargissant leur mission à la prévention et à la vulnérabilité, les psychiatres rencontrent la souffrance psychologique au sens le plus large. Or, cette souffrance implique d'autres métiers. Mais puisque les psychiatres sont les seuls interlocuteurs, reconnus au sein du domaine de la santé comme spécialistes du champ de la souffrance psychologique, c'est vers eux que l'on se tourne naturellement. A partir de là, deux options sont possibles : la psychiatrie garde la mainmise sur cette demande ; ou bien elle travaille en collaboration avec d'autres métiers - psychologues, médecins généralistes et travailleurs sociaux -, pour les faire reconnaître comme des interlocuteurs incontournables dans la gestion de cette demande.

Comment doit être conçue, selon vous, la formation universitaire des futurs psychiatres ?

Dans la formation de psychiatre, on insiste sur ce qui semble le plus riche de résultats immédiats, l'approche médicamenteuse. Mais il est fondamental que les futurs psychiatres maîtrisent l'ensemble des acquis qui leur seront nécessaires pour remplir leur rôle de soignant, et à ce titre se pose la question de l'enseignement à la prescription de médicaments, mais aussi à la théorie et pratique psychanalytiques, aux thérapies cognitivo-comportementales, etc. Mais une formation psychanalytique peut-elle se réduire à quelques connaissances théoriques ? Elle s'apprend essentiellement au travers d'une pratique, au « lit » du patient. Vous pouvez très bien, de manière théorique, apprendre à prescrire des médicaments, mais cette démarche n'est pas possible au niveau de la psychanalyse. Néanmoins, l'université ne peut offrir une formation du même type qu'une société psychanalytique (qui exige de six à huit ans consacrés à des stages théoriques, une cure personnelle, des supervisions...).