Les cinq sens : une allégorie morale

Au XVIIe siècle, les séries d’images construites autour du thème des cinq sens sont particulièrement prisées. Elles servent aussi bien à décorer des plafonds qu’à inspirer gravures et tableaux. Leur composition peut faire appel à des allégories tout à fait codifiées. Il existe un code animal : le cerf est l’ouïe, l’aigle ou le chat la vue, le chien est l’odorat, le singe personnifie le goût, la tortue le toucher. Des objets peuvent tenir le même rôle : le miroir pour la vue, les fleurs pour l’odorat, les instruments de musique pour l’ouïe, les fruits ou le vin pour le goût, les dés, les cartes ou encore une statuette pour le toucher. La destination de ces images peut être essentiellement décorative, mais souvent, elle est chargée d’un sens moral. Traditionnellement, ces motifs réfèrent à la philosophie d’Aristote, philosophe pour lequel les sens sont la base de la connaissance humaine. Mais pour le christianisme, les sens sont tout autant suspects de porter l’homme au péché. Suivant le traitement que l’artiste donne au sujet, le message peut donc être différent : Jan Bruegel (1568-1625) termina en 1618 une série sur ce thème qui est une célébration des sens comme fondement des arts. Mais le traitement du même sujet par des allégories humaines, séries de portraits ou scènes de la vie quotidienne (repas, concerts, scènes de débauche), donne une tout autre signification à l’ensemble, qui devient le support d’une mise en garde contre les dangers des plaisirs terrestres, qu’ils soient esthétiques, ludiques, sensuels ou érotiques.