Ils pesaient, pour certains, des dizaines de tonnes. Ils dominaient la surface de la Terre il y a 65,5 millions d’années (MA), avant de disparaître dans leur quasi-totalité – seuls en subsistent aujourd’hui les oiseaux et quelques grands reptiles. Les dinosaures ont été effacés de la surface terrestre par une perturbation écologique majeure. Si l’hypothèse d’une perturbation volcanique d’ampleur (explosion d’un supervolcan ou plus probablement activité d’un trapp dans le Deccan, Inde actuelle – encadré ci-dessous) a été avancée, les études récentes tendent à prouver que leur anéantissement est principalement dû à l’impact d’une météorite, au large du Yucatán, actuel Mexique.
L’extinction des dinosaures n’est pas la seule que notre Terre ait connue (encadré ci-dessous). Typiquement, une espèce animale ou végétale dure ordinairement 5 à 10 millions d’années, et l’extinction isolée est la règle, même si l’on connaît des exceptions, des fossiles vivants se maintenant beaucoup plus longtemps. Le propre des extinctions de masse est de manifester des crises environnementales d’ampleur, qui balaient les écosystèmes et détruisent un important pourcentage des espèces présentes. Les cinq ou six extinctions majeures passées ont en commun d’avoir été naturelles. Nous en connaissons aujourd’hui une nouvelle. Dite de l’holocène, cette extinction-là a pour nouveauté d’être provoquée par l’humanité. Les craintes qu’elle génère évoquent une peur qui a connu des sommets lors de la guerre froide, alors que la possibilité d’un conflit nucléaire entraînant la stérilisation ou le refroidissement de la planète était une conséquence possible des rivalités Est-Ouest…
La fin des hannetons
Les biologistes prédisent la disparition d’environ du tiers ou de la moitié des espèces animales d’ici à 2100. Les écosystèmes sont menacés partout dans le monde. Un rapport récent de la Société zoologique de Londres (« Spineless. Status and trends of the world’s invertebrates », www.zsl.org) pointe ainsi la chute de population des invertébrés… Du zooplancton au calmar géant en passant par l’abeille, ces créatures représentent 80 % des espèces animales : une sur cinq est menacée de disparition à brève échéance, un taux similaire à celui des vertébrés. Car de nombreux biologistes s’alarment quotidiennement du rythme auquel des batraciens, des serpents ou certains oiseaux sont décimés, et nos parents nous parlent d’un temps où les hannetons sillonnaient par millions les cieux estivaux de nos campagnes.
Les accusés sont multiples : l’intensification de l’agriculture et les pollutions qui lui sont associées, le déboisement, l’acidification des océans, le réchauffement climatique, la surpêche, l’introduction d’espèces invasives, l’extension des surfaces agricoles ou urbaines… Ces facteurs affectent aussi directement l’humanité : parmi des centaines d’autres, une vaste étude internationale indique que plus la future mère est exposée à certains polluants, plus elle risque de donner naissance à un bébé de faible poids.
Plus médiatisée que celle des invertébrés, l’étude de l’extinction de certains grands mammifères permet de mieux analyser le processus : ainsi du tigre. Ce grand félin a vu son habitat se réduire à une peau de chagrin. Il ne survit plus aujourd’hui que parce que son principal prédateur, l’homme, en a décidé ainsi : création de réserves, programme de reproduction dans les zoos nous permettent ainsi de l’inscrire, alors qu’il est éteint dans la majeure partie de son habitat d’origine, dans la catégorie des animaux menacés mais toujours vivants. Une extinction dépend très souvent aujourd’hui des actions humaines, et les indicateurs permettant de l’appréhender sont relatifs.
De multiples travaux ont essayé de répondre à la question : les civilisations humaines peuvent-elles succomber à une crise écologique ? Il est possible de résumer une partie de la littérature sur cette question en trois étapes : une micro, l’île de Pâques ; une médiane, un continent, en l’espèce l’Australie ; une globale : le monde.
Une île comme métaphore du monde
L’île de Pâques est devenue un mythe littéraire, entre autres par la publicité que lui a faite Jared Diamond dans Effondrement 1. L’auteur définit ce terme comme une « chute radicale du nombre, de l’organisation politique et sociale d’une population sur un large territoire donné ». J. Diamond, qui analyse aussi dans ce livre la fin des Mayas, des Vikings groenlandais, etc., entend démontrer qu’une bonne partie des collectivités humaines ont détruit leur environnement au point d’en périr, quand d’autres, plus « sages », s’adaptaient – tels le Japon que l’on aurait pu croire surpeuplé, ou l’Europe, qui exporta au XIXe siècle ses excédents de population vers le Nouveau Monde. Cinq éléments, selon J. Diamond, peuvent y participer en combinant leurs effets : une exploitation de ressources au-delà de leur capacité à se reconstituer (tel le déboisement), un changement climatique, une rupture des liens avec des sociétés voisines, des agressions militaires, et un comportement inapproprié face au changement. Joseph A. Tainter 2, pour sa part, estimait que les sociétés s’écroulaient par inertie, incapables de modifier leurs rapports à l’environnement quand celui-ci était altéré.