C’est un impressionnant travail de recherche et de synthèse que livre Charles Stépanoff après ses travaux remarqués sur le chamanisme sibérien et sur la chasse.
L’anthropologue mène dans son dernier ouvrage une relecture des évolutions des sociétés humaines en s’appuyant sur de nombreux exemples à travers le monde, qui éclaire notamment les mutations de notre rapport au vivant. Outre sa foisonnante érudition, c’est la vue d’ensemble et la capacité de l’auteur à nous restituer la complexité du réel qui frappe. En effet, les schémas classiques, pour rassurants qu’ils soient, décrivaient une évolution générale de l’humanité qui ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Rappelons que deux scénarios étaient jusqu’ici en concurrence. Le premier veut que l’adoption de l’agriculture ait entraîné la sédentarisation et l’apparition d’une hiérarchie de fonctions : ceux qui cultivent la terre, ceux qui se chargent de stocker son produit et ceux qui tissent des liens avec les puissances invisibles. Le second, formulé plus récemment, envisage la sédentarisation et l’adoption de l’agriculture comme le résultat d’un choix collectif des membres de la communauté. Dans un cas comme dans l’autre, l’évolution est à sens unique comme s’il y avait une nécessité à ce que les groupes humains passent par ces stades de développement, des plus simples aux plus complexes.