Au 19e siècle, avec Georg Hegel, l’histoire de la philosophie a été investie d’une dimension spéculative. Lieu où l’esprit prend peu à peu conscience de lui-même, elle s’est trouvée dotée d’un sens irréversible et pourvue d’une fin. Bien qu’on ne l’envisage plus ainsi aujourd’hui, elle reste essentielle pour la philosophie, dont l’enseignement semble parfois se réduire à son histoire. La démarche de Vincent Citot est originale en ce qu’elle donne une nouvelle lecture de cette histoire. Tout d’abord, son ampleur est mondiale, et déborde largement la conception rétrécie selon laquelle la philosophie, en tant que mode d’appréhension rationnelle du monde, est grecque, puis occidentale, les autres modes de pensées relevant davantage de la spiritualité ou, au mieux, de la sagesse. Ensuite, l’auteur adopte une grille de lecture qui, dans sa simplicité, ordonne la vaste matière qu’il brasse et lui donne une nouvelle intelligibilité. Ajoutons qu’il fait preuve d’une érudition qui est habituellement l’apanage des ouvrages collectifs.
Sont étudiées dans ce livre les traditions grecque, romaine, islamique, occidentale, russe, indienne, chinoise et japonaise, de façon à dégager les lois qui président à leur développement. Non pas des lois au sens des trop fameuses « lois de l’histoire », empreintes de nécessité, mais des constantes qu’il s’agit de mettre au jour par-delà les différences de contextes. « Voilà la finalité de ce livre : saisir les auteurs du passé dans les grands courants de la vie intellectuelle qui les portent et les emportent. Non pas les singularités et les exceptions, mais tout à l’inverse, les règles générales et les grandes tendances. »